Des chercheurs développent des « méthodes innovantes » afin de mener des recherches « directement sur l’homme », sans recourir à l’expérimentation animale comme étape intermédiaire.
Des « modèles de peau »…
TigerShark Science, une start-up de l’Institut Fraunhofer développe des « modèles de peau » cultivés à partir de cellules souches humaines [1], « pour réduire considérablement les essais sur les animaux ». Les chercheurs ont ainsi réussi à cultiver un « modèle de peau » capable de représenter « presque toutes les structures présentes dans la peau humaine ».
La start-up prévoit de commencer par proposer aux industries pharmaceutiques et cosmétiques de « grands volumes » de peau saine simulant les trois couches du tissu – l’épiderme, le derme et l’hypoderme – avec des cellules adipeuses. Ces modèles devraient permettre de tester par exemple des médicaments et leurs effets secondaires.
A l’avenir les scientifiques prévoient de développer des modèles incluant des cellules immunitaires et des vaisseaux sanguins, et même des cellules tumorales. Ils pourraient être utilisés pour simuler et étudier des maladies telles que le cancer de la peau. En devenant plus complexe, ce modèle de peau permettra d’aborder d’autres domaines tels que la cicatrisation des plaies ou encore de réaliser des études sur les infections, espèrent les chercheurs.
… aux « organes sur puce »
D’autres équipes travaillent sur des « systèmes in vitro d’organes vascularisés sur puce » [2]. Des chercheurs de l’université de Shanghai et de l’université de Californie viennent de publier un article sur le sujet [3].
Ces dispositifs permettent d’incorporer des systèmes vasculaires, essentiels au transport des nutriments, de l’oxygène et des déchets, comme dans le corps humain. Les chercheurs travaillent sur le foie, le cerveau et le cœur, chaque dispositif étant conçu pour répondre à des questions de recherche spécifiques liées à ces organes [4].
En outre, en reliant différents dispositifs par des canaux microfluidiques, il est possible d’étudier les interactions complexes entre les organes, ce qui permet de mieux comprendre les maladies systémiques et d’avoir une vue d’ensemble de leur progression et de leur réponse aux traitements.
Des recherches plus éthiques ?
Pour promouvoir leurs recherches, les scientifiques les vantent comme « une solution plus précise, plus éthique et plus rentable ». Mais l’est-ce réellement ?
En ce qui concerne les « organes sur puce », l’un des principaux avantages est leur potentiel en matière de médecine personnalisée. En effet, en utilisant des cellules dérivées de patients, on pourrait prévoir la réaction spécifique desdits patients à différents médicaments, ce qui permet d’adapter les traitements aux besoins individuels et de minimiser les effets indésirables.
C’est alors la technique des cellules iPS qui est en jeu, une technique qui ne pose pas ici de problème éthique en soi, bien que la fabrication d’organoïdes de cerveaux humains doive interroger (cf. Mini-cerveaux cultivés en laboratoire : un problème de conscience ? ; Un mini cerveau produit en laboratoire s’active : «Ce n’est qu’un modèle, ça ne mime pas un cortex entier »)[5].
Toutefois, le recours aux organoïdes ne fait pas nécessairement appel à des cellules iPS. TigerShark Science indique développer ses « modèles de peau » à partir de « cellules souches humaines », sans préciser leur origine. Il pourrait s’agir de cellules souches embryonnaires issues, à peu de frais, d’embryons surnuméraires fabriqués dans le cadre de fécondations in vitro. En extraire les cellules souches signifie les détruire, et transformer alors l’embryon humain en « rat de laboratoire » (cf. L’embryon humain, cet animal de laboratoire).
[1] Medical Xpress, Skin models as an alternative to animal testing, Marie-Luise Righi, Fraunhofer-Gesellschaft (03/06/2024)
[2] Medical Xpress, The future of drug testing: Vascularized organ-on-a-chip technologies, Beijing Institute of Technology Press Co., Ltd (03/06/2024)
[3] Hongze Yin et al, Advances in the Model Structure of In Vitro Vascularized Organ-on-a-Chip, Cyborg and Bionic Systems (2024). DOI: 10.34133/cbsystems.0107
[4] Par exemple, la puce pour le foie permet d’étudier le métabolisme des médicaments et la progression des maladies, tandis que la puce pour le cerveau vise à mieux comprendre les maladies neurodégénératives et les effets des produits pharmaceutiques sur les tissus neuronaux.
[5] Cette technique pose également des problèmes éthiques dès lors qu’on voudrait y recourir pour produire des gamètes (cf. Des souriceaux nés de deux « pères »).