En utilisant des cellules prélevées dans le sang et reprogrammées en cellules souches [1], des chercheurs de l’université du Saskatchewan sont parvenus à fabriquer des organoïdes de cerveau d’environ trois millimètres de diamètre. Ces « mini cerveaux » se distinguent en cela qu’ils sont composés de quatre types différents de cellules cérébrales [2], alors que la plupart des organoïdes cérébraux ne sont constitués que de neurones (cf. Des organoïdes de cerveau pour étudier les troubles neurodéveloppementaux). Ils ont publié leurs travaux dans la revue Frontiers of Cellular Neuroscience [3].
Un « modèle » plus fidèle pour aider au diagnostic
Ces organoïdes reflètent « plus fidèlement » un cerveau humain adulte, assure Tyler Wenzel, premier auteur de l’étude. Ainsi, ils pourraient être utilisés pour diagnostiquer des pathologies, comme la maladie d’Alzheimer, à partir de prélèvements sanguins sur les patients. Ils pourraient également servir à tester l’efficacité des médicaments sur les patients, réduisant ainsi le délai d’accès à un traitement ajusté, par exemple dans le cas de dépressions. Le scientifique compte désormais étendre les tests à un plus grand nombre de patients.
Une équipe du Cincinnati Children’s Hospital Medical Center a quant à elle mis au point le premier « mini-cerveau » humain qui intègre une barrière hémato-encéphalique (BHE) « entièrement fonctionnelle »[4], baptisé « BBB [5] assembloid ». Ces organoïdes « imitent le développement neurovasculaire humain, proposant une représentation fidèle de la barrière dans un tissu cérébral en croissance et en fonctionnement » (cf. Des chercheurs étudient la vascularisation des organoïdes de cerveau). Ces résultats ont été publiés dans la revue Cell Stem Cell [6].
« L’absence d’un modèle authentique de BHE humaine a constitué un obstacle majeur à l’étude des maladies neurologiques », explique l’auteur principal de l’étude, Ziyuan Guo. En effet, « les modèles animaux que nous utilisons actuellement dans la recherche ne reflètent pas fidèlement le développement du cerveau humain et la fonctionnalité de la BHE ».
Assembler des organoïdes
Les « BBB assembloids » combinent deux types distincts d’organoïdes : les organoïdes cérébraux, qui reproduisent le tissu cérébral humain, et les organoïdes de vaisseaux sanguins, qui imitent les structures vasculaires.
En l’espace d’un mois environ, ces structures séparées [7] ont fusionné en une sphère unique mesurant un peu plus de 4 millimètres de diamètre.
Bien qu’ils « recréent un grand nombre des interactions neurovasculaires complexes observées dans le cerveau humain », ces « assembloïdes » ne sont pas des modèles complets du cerveau. Ainsi, ils sont par exemple dépourvus de cellules immunitaires et il n’y a pas de connexions avec le reste du système nerveux.
Pour démontrer l’utilité potentielle des « nouveaux assemblages », les chercheurs ont eu recours à une lignée de cellules souches dérivées de patients atteints d’une affection cérébrale rare appelée cavernome cérébral [8]. Mais les scientifiques envisagent de nombreuses applications, de la recherche de nouveaux traitements au développement de biomatériaux en passant par l’évaluation de la toxicité de composants chimiques (cf. Recherche sur les organoïdes de cerveau : une question de conscience).
Complément du 26/09/2024 : Des chercheurs ont mis au point une nouvelle méthode qui permet de cultiver des organoïdes cérébraux dotés de zones corticales distinctes et d’une configuration « avant-arrière ». Ils ont publié leurs travaux dans la revue Nature Methods [9]. (NDLR : Pour cette recherche, les scientifiques ont eu recours à des cellules souches pluripotentes induites mais également à des cellules embryonnaires humaines)
[1] Technique des cellules iPS
[2] Neurones, cellules de la microglie, astrocytes et oligodendrocytes
[3] Tyler J. Wenzel et al, Brain organoids engineered to give rise to glia and neural networks after 90 days in culture exhibit human-specific proteoforms, Frontiers in Cellular Neuroscience (2024). DOI: 10.3389/fncel.2024.1383688
[4] « Contrairement au reste de notre corps, les vaisseaux sanguins du cerveau sont dotés d’une couche supplémentaire de cellules très serrées qui limitent fortement la taille des molécules pouvant passer de la circulation sanguine au système nerveux central. » « Une barrière qui fonctionne correctement préserve la santé du cerveau en empêchant l’entrée de substances nocives et en permettant aux nutriments essentiels d’atteindre le cerveau. Toutefois, cette même barrière empêche également de nombreux médicaments potentiellement utiles d’atteindre le cerveau. En outre, plusieurs troubles neurologiques sont causés ou aggravés lorsque la barrière hémato-encéphalique se forme de manière incorrecte ou commence à se dégrader. »
[5] Pour Brain-blood barrier
[6] Lan Dao et al, Modeling blood-brain barrier formation and cerebral cavernous malformations in human PSC-derived organoids, Cell Stem Cell (2024). DOI: 10.1016/j.stem.2024.04.019
[7] des organoïdes cérébraux mesurant 3 à 4 millimètres de diamètre et des organoïdes de vaisseaux sanguins d’environ 1 millimètre de diamètre
[8] « Cette maladie génétique, qui se caractérise par un dysfonctionnement de l’intégrité de la barrière hémato-encéphalique, se traduit par des grappes de vaisseaux sanguins anormaux dans le cerveau qui ressemblent souvent à des framboises. Cette maladie augmente considérablement le risque d’accident vasculaire cérébral. »
[9] Camilla Bosone et al, A polarized FGF8 source specifies frontotemporal signatures in spatially oriented cell populations of cortical assembloids, Nature Methods (2024). DOI: 10.1038/s41592-024-02412-5
Sources : Medical Xpress, University of Saskatchewan (14/05/2024) ; Medical Xpress, Cincinnati Children’s Hospital Medical Center (20/05/2024) ; Medical Xpress, Manel Llado, IMBA – Institut für Molekulare Biotechnologie der Österreichischen Akademie der Wissenschaften GmbH (18/09/2024)