Recherche sur les organoïdes de cerveau : une question de conscience

Publié le 13 Avr, 2021

En partant de cellules souches, des scientifiques parviennent à obtenir des cellules cardiaques, des cellules cérébrales et d’autres types de cellules qu’ils transplantent aujourd’hui dans le cadre de thérapies cellulaires. Une équipe de l’université de Kyoto, dirigiée par Tsutomu Sawai, interroge les implications éthiques de ce type de recherches en ce qui concerne les organoïdes[1] de cerveau. Leurs travaux ont été publiés dans la revue AJOB Neuroscience[2]

Puisque le cerveau est considéré comme la source de notre conscience, il existe un risque que les organoïdes cérébraux  développent une conscience. « La conscience est une propriété très difficile à définir, explique Tsutomu Sawai. Nous ne disposons pas de très bonnes techniques expérimentales pour confirmer la conscience. Mais même si nous ne pouvons pas prouver la conscience, nous devons établir des lignes directrices, car les progrès scientifiques l’exigent », juge-t-il.

Différents types de conscience

Pour les éthiciens, il existe différents types de conscience. La conscience phénoménale permet de ressentir la douleur, la détresse ou le plaisir. Pour les chercheurs, ce n’est pas la conscience phénoménale qui pose le plus problème car les animaux impliqués dans les expérimentations, tels que les singes ou les rongeurs, en sont dotés. C’est « la conscience de soi » qui représente un problème éthique supplémentaire, car ce statut « confère une moralité supérieure ».

La question des chimères

Pouvons-nous transplanter des organoïdes de cerveau humains dans des animaux pour observer comment le cerveau se comporte ? Pour Tsutomu Sawai, c’est une question essentielle. « Le souci n’est pas tant le risque d’une humanisation biologique de l’animal, qui peut se produire avec n’importe quel organoïde, estime le chercheur, mais celui d’une humanisation morale, qui est spécifique au cerveau. » Par ailleurs, les chimères animal-homme ainsi créées pourraient développer des « capacités accrues », ou encore « des traits humanisés » alerte-t-il. Alors traiter l’animal « de façon inhumaine porterait atteinte à la dignité humaine, estime Tsutomu Sawai, un principe fondamental de la pratique éthique ».

Quid de la thérapie cellulaire ?

Toutefois, selon le scientifique, la préoccupation est plus forte encore au sujet des thérapies cellulaires. « Il existe déjà un certain nombre d’essais cliniques portant sur la transplantation de cellules cérébrales en tant que thérapie cellulaire chez des patients souffrant de telles lésions ou de maladies neurodégénératives. » Les transplantations cellulaires modifient le mode de fonctionnement des cellules du cerveau, souligne Tsutomu Sawai. « Si quelque chose ne va pas, nous ne pouvons pas simplement les retirer et recommencer », pointe-t-il. Pour le moment, seules des transplantations locales ont été réalisées. Mais avec des organoïdes cérébraux, les interactions avec le cerveau seraient plus profondes, prévoit le chercheur. Avec le risque de « changements inattendus ».

 

[1] Structures semblables à des organes

[2] Tsutomu Sawai, Yoshiyuki Hayashi, Takuya Niikawa, Joshua Shepherd, Elizabeth Thomas, Tsung-Ling Lee, Alexandre Erler, Momoko Watanabe & Hideya Sakaguchi (2021) Mapping the Ethical Issues of Brain Organoid Research and Application, AJOB Neuroscience, DOI: 10.1080/21507740.2021.1896603

Source : BioEdge, Michael Cook (11/04/2021) – Photo : iStock

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