Remise en cause de la politique du médicament

Publié le 21 Déc, 2004

La remise en cause de l’innocuité du Vioxx (laboratoire Merck) puis du Celebrex (laboratoire Pfizer), deux anti-inflammatoires vedettes, fait douter de l’indépendance et de la rigueur des autorisations de mise sur le marché face à la puissance de l’industrie pharmaceutique. Le fait que l’alerte ne vienne pas des agences sanitaires mais des laboratoires eux-mêmes jette la suspicion sur la capacité des pouvoirs publics à contrebalancer les pouvoirs de l’industrie pharmaceutique.

Bernard Debré, chef du service d’urologie à l’hôpital Cochin, et Philippe Even, président de l’Institut Necker, reviennent dans leur ouvrage commun * sur la politique de la recherche et du médicament en France. Ils apportent trois grandes critiques.

La première concerne les essais d’un médicament avant l’autorisation de mise sur le marché (AMM), "beaucoup d’essais sont mal conçus, biaisés, voire falsifiés". Notamment parce qu’ils sont trop dispersés (20 000 patients sur 800 sites, par exemple) ce qui ne permet pas des résultats fiables.
La deuxième critique concerne le fait que les essais sont réalisés contre placebo et non contre un médicament similaire, déjà autorisé. Ainsi rien ne prouve que ce nouveau médicament est plus bénéfique que celui existant. Et cela conduit à la mise sur le marché de médicaments "me too" c’est à dire sensiblement semblables à ceux existants. On constate alors que les prescriptions initiales des médicaments sont dépassées pour toucher une plus large population. Pour les auteurs du livre, c’est au gouvernement de contrôler l’utilité des nouveaux médicaments et le respect des indications de prescription. Cette tendance s’est accélérée depuis la moitié des années 80 car les laboratoires ne peuvent plus compter sur la découverte de médicaments concernant une large population mais sur la mise au point de médicaments qui portent sur des pathologies précises et donc un marché limité.
La troisième critique porte sur le fait que 90 % des essais ne sont pas publiés malgré la mise sur le marché du médicament.

Philippe Even s’interrogeant sur l’indépendance des agences face à l’industrie pharmaceutique fait remarquer que 70 % du budget de l’Agence européenne du médicament est à la charge de l’industrie pharmaceutique…

* Savoirs et pouvoir, pour une nouvelle politique de la recherche et du médicament, Bernard Debré et Philippe Even, Ed. Le Cherche Midi.

Le Monde (Paul Benkimoun, Sandrine Blanchard et cécile Prieur) 21/12/04

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