Quelle protection pour les embryons adoptés ?

Publié le 29 Nov, 2021

Le régime juridique qui prévoyait l’accueil de l’embryon a été modifié à différentes reprises. Avec quelles conséquences ?

Selon le rapport annuel de l’Agence de biomédecine (ABM), en 2019, 48,1% de l’ensemble des tentatives de fécondation in vitro (PMA) sont suivies d’une congélation embryonnaire. Ainsi, au 31 décembre 2019, 256 826 embryons étaient conservés. Ils étaient issus de 89 765 couples.

Chaque année, les centres interrogent « les couples sur leur souhait de poursuivre ou non la conservation ». Ainsi, « en 2019, parmi les 4 554 couples sans projet parental qui ont signé un consentement pour le devenir de leur embryons, 23,5 % ont souhaité les proposer à la recherche (soit 2 814 embryons) et 12% à l’accueil d’embryons (soit 1 506 embryons) ». L’ABM recense 546 nouveaux couples ayant consenti en 2019, « à ce que leurs embryons soient accueillis » (cf. En 2019, un nouveau-né sur 28 est issu d’une PMA).

« L’accueil de l’embryon est subordonné à une décision de l’autorité judiciaire »

Au total, 8 372 embryons destinés à l’adoption sont conservés dans les centres d’AMP, en France. Une activité simplifiée par des lois successives.

La loi de bioéthique du 7 juillet 2011 prévoyait que « l’accueil de l’embryon est subordonné à une décision de l’autorité judiciaire ». Le juge devait en effet vérifier « le consentement écrit du couple à l’origine de sa conception ». Il lui revenait aussi « d’apprécier les conditions d’accueil que le couple est susceptible d’offrir à l’enfant à naître sur les plans familial, éducatif et psychologique ». Enfin, le tribunal de grande instance délivrait l’autorisation d’accueil pour une durée limitée de 3 ans renouvelable.

La simplification du régime d’accueil de l’embryon

Ces démarches sont simplifiées par la loi de programmation 2018/2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 et donc en marge de la loi de bioéthique. Le précédent régime d’autorisation judiciaire étant supprimé, le Tribunal de Grande Instance n’est plus impliqué. Le nouvel article L2141-6 alinéa 2 du Code de la santé publique prévoit un régime de consentement simple du couple receveur, enregistré par un notaire, sans intervention du juge. Il précise que « les conditions et les effets de ce consentement sont régis par l’article 311-20 du Code civil ». Or, contrairement au juge, le rôle du notaire n’est plus de contrôler que les futurs parents remplissent les conditions, ni d’apprécier l’intérêt de l’enfant. Le notaire recueille le consentement écrit des parents et « les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation ». Le notaire ne contrôle donc pas la capacité des parents à élever l’enfant. A l’inverse du juge, le notaire n’a pas à être impartial. S’il refuse de recueillir le consentement, le couple peut s’adresser à n’importe quel autre notaire. La simplification du régime d’accueil de l’embryon est d’autant plus étonnante, lorsque l’on connaît les difficultés que doivent surmonter les parents qui souhaitent adopter un enfant. Alors que l’on peut accueillir un embryon, qui deviendra un enfant, par le biais d’un rapide passage chez le notaire, une enquête sociale de plusieurs mois et une longue procédure sont nécessaires afin d’obtenir l’adoption plénière d’un enfant.

Seconde conséquence du changement de régime, il n’y a pas non plus de durée limitée à ce consentement. Seuls le décès, la demande de divorce, la séparation ou la révocation écrite privent le consentement d’effet. Ainsi, la naissance pourrait intervenir des années, voire des dizaines d’années plus tard (cf. Grossesses tardives : « Il y a une limite à tout » !).

La loi de bioéthique de 2021 prévoit la levée de l’anonymat du don

La loi de bioéthique du 2 août 2021 conserve ce régime de consentement écrit reçu par notaire. Ce dernier doit informer le couple que l’enfant pourra demander l’accès à ses origines, dès sa majorité. Or, la levée de l’anonymat, l’accès aux données qu’elles soient ou non identifiantes, demeurent insuffisants. En effet, si ces données disent la filiation biologique de l’enfant, elles ne sont pas sa filiation au regard du droit, ce qui reste une atteinte aux droits de l’enfant. Par ailleurs, l’accès à l’identité du donneur de gamètes sous-entend son consentement. Faudra-t-il aussi recueillir le consentement des couples dont les embryons sont conservés et ont été donnés avant le 2 août 2021 ? Que deviendront ceux qui n’auront pas obtenus ce consentement ?

En 2019, ce nouveau régime juridique a permis à 128 couples de bénéficier d’un accueil d’embryons. 37 enfants vivants sont ainsi nés en France, selon les chiffres de l’ABM. 18 enfants étaient nés en 2017, sous le régime précédent.

 

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