Oregon : les suicides assistés en hausse de 20 % en 2023

26 Mar, 2024

Le 20 mars, l’Oregon a publié son rapport annuel relatif au Death with Dignity Act (DWDA) [1]. Il fait état de 560 prescriptions létales en 2023, et de 367 décès suite à leur ingestion [2]. Des chiffres en nette hausse par rapport à l’année précédente au cours de laquelle 433 prescriptions avaient été établies, et 304 suicides assistés enregistrés, soit une augmentation de 29,3 % et 20,7 % respectivement. Pourtant, l’année 2022 était déjà une année « record » (cf. Oregon : un « record » de suicides assistés en 2022).

Depuis l’autorisation du suicide assisté en 1997, 4 274 personnes se sont vu prescrire des substances létales, et 2 847, soit 67 % d’entre elles, sont décédées après les avoir absorbées. Les suicides assistés représentent 0,8 % des décès recensés dans l’Oregon en 2023. Les données manquent toutefois pour de nombreux patients [3].

La douleur n’est pas à l’origine des demandes

Bien que la plupart des malades soient âgés de 65 ans et plus (82 %), en 2023, un patient de moins de 34 ans est décédé, ainsi que 7 patients âgés entre 35 et 44 ans, et 18 entre 45 et 54 ans. La maladie la plus fréquemment diagnostiquée est le cancer, dans deux-tiers des cas, et 21 patients souffraient de la maladie de Charcot.

Le rapport indique que, « comme les années précédentes », les personnes souhaitant recourir au suicide assisté déplorent une « perte d’autonomie » dans 92 % des cas, une capacité diminuée à « participer aux activités qui rendent la vie agréable » pour 88 % d’entre elles, et une « perte de dignité » pour 64 %. En outre, 159 patients, soit 43 %, craignent d’être « une charge pour leur famille ou leur amis ». Trente personnes ont pointé « les implications financières » de leur traitement. Seuls 126 patients (34 %) ont évoqué un « contrôle inadéquate de la douleur ou une inquiétude à ce sujet ». Les autorités sanitaires n’ont pas jugé utile de distinguer entre la souffrance et le fait de la craindre. Seuls trois patients ont été adressés pour une évaluation psychologique ou psychiatrique en 2023.

Des médecins « prolifiques » et des complications peu documentées

En 2023, 167 médecins ont rédigé 560 prescriptions létales. Des praticiens qui connaissaient leur patient depuis 6 semaines en valeur médiane [4]. La grande majorité (77 %) a effectué une ou deux prescriptions, mais le rapport recense jusqu’à 76 prescriptions par médecin.

Désormais, le sécobarbital et le pentobarbital ne sont plus « facilement disponibles ». Les praticiens se sont donc tournés vers le DDMAPh [5] et le DDMA [6]. Le rapport note une durée médiane de 47 minutes entre l’ingestion de DDMA et le décès du patient, de 50 minutes s’il a pris du DDMAPh. Le temps écoulé entre l’ingestion de la substance létale et la mort est disponible pour 246 suicides assistés en 2023, soit 67 % seulement d’entre eux. Ces patients ont mis entre 3 minutes et 137 heures à mourir.

Le rapport indique en outre que, dans 265 cas sur 367, les complications éventuelles ne sont pas documentées. En effet, ces informations ne sont enregistrées que si un médecin ou un professionnel de santé est présent au moment du décès. Le médecin ayant prescrit la substance létale était présent quand son patient est décédé dans 44 cas, soit 12 % des suicides assistés.

Enfin, parmi les complications enregistrées, 8 patients ont eu « des difficultés » à ingérer le produit, voire l’ont vomi. Un patient a eu des convulsions. Pour un autre, des complications ont été notées, sans précisions.

Alors que la France prend l’Oregon, entre autres, comme « modèle » pour faire évoluer sa législation en matière de fin de vie, ne devrait-elle pas plutôt entendre l’avertissement qu’il nous donne ? (cf. Suicide assisté : l’Oregon, un « exemple » aussi pour les dérives)

 

[1] La loi impose que le patient soit majeur, capable de prendre des décisions médicales et de les communiquer à un praticien et atteint d’une pathologie avec un pronostic vital inférieur à 6 mois. Résider dans l’Etat n’est plus une obligation légale depuis 2023 (cf. Suicide assisté : l’Oregon dresse son bilan et s’ouvre aux autres Etats). Si le décès intervient hors de l’Oregon, il n’est pas pris en compte dans les données.

[2] Décès survenus en 2023 et enregistrés au 26 janvier 2024. Parmi les 367 décès, 30 font suite à une prescription antérieure à 2023.

[3] 60 % des 560 patients ayant reçu une prescription létale sont décédés après avoir ingéré les substances. 15 % sont décédés de leur maladie. Pour 141 patients, les informations manquent. Parmi eux, 41 sont décédés sans que l’on sache de quelle cause. Pour 100 patients, on ne dispose d’aucune information. En outre, 17 patients ont dépassé leur pronostic vital : ils ont vécu plus de 6 mois après avoir reçu une prescription létale.

[4] Avec des durées allant de 0 à 1 197 semaines.

[5] Ingérés par plus de 75 % des patients. Il s’agit d’un mélange de diazépam, digoxine, sulfate de morphine, amitriptyline, et phenobarbital

[6] Un mélange de diazépam, digoxine, sulfate de morphine, amitriptyline

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