L’application de la loi santé en route

Publié le 9 Juin, 2016

Début juin, le gouvernement a successivement publié deux décrets d’application de la loi santé. Le premier concerne les infirmiers scolaires qui pourront désormais distribuer la pilule du lendemain aux mineures des collèges et lycées, sur simple demande, et le second élargit la compétence des sages femmes à la possibilité de pratiquer l’avortement médicamenteux. Des décrets sans surprise qui pourtant suscitent le malaise. Explications.

 

Depuis les années 2000, les mesures se sont succédées pour construire « un dispositif complètement dérogatoire au regard des règles de sécurité sanitaires et de sécurité sociale », explique Florence Taboulet[1], pour permettre aux mineures « un accès illimité, sans suivi et sans contrôle médical, sans traçabilité du produit, à l’insu des parents, dans l’anonymat et la gratuité » à la contraception d’urgence.

 

La pilule du lendemain en accès libre pour les mineures

 

Jusqu’à présent, les restrictions limitaient l’intervention de l’infirmier scolaire en cas de difficultés d’accès à un médecin, aux situations de détresse caractérisée et à caractère exceptionnel… Aujourd’hui, avec la mise en place de ce nouveau décret, Marisol Touraine, ministre de la santé, veut que « chaque jeune sache que la porte de l’infirmerie scolaire lui est ouverte sans avoir à se justifier ».

 

Les précédentes décisions de la ministre ont ouvert la gratuité des moyens de contraceptions pour les mineures de plus de 15 ans, celle de la contraception d’urgence pour les étudiantes, la suppression de l’avance de frais pour les consultations ou les examens de biologie liés à la contraception, et la baisse de la TVA sur les préservatifs à 5% (au lieu de 10%).

 

Initialement, ces mesures d’élargissement visaient à réduire le nombre de grossesses non désirées, ainsi que le nombre d’avortements. Or, constate Florence Taboulet, « au cours des quinze dernières années, l’augmentation des dispensations gratuites de ces médicaments n’est pas corrélée à une diminution du nombre d’IVG chez les mineures. Au contraire, sur la période considérée, ce nombre a même augmenté[2],[3] ». Elle s’est de plus accompagnée d’une banalisation du recours à la pilule du lendemain que les adolescentes prennent sans savoir que la dose d’hormones sexuelles administrée en un jour, en l’absence de toute intervention d’un médecin, est jusqu’à 50 fois plus élevée qu’une pilule ordinaire. « Cette politique, peu respectueuse de la protection de la santé des jeunes filles et sans doute contre-productive à de nombreux égards, devrait être complètement révisée pour qu’à l’autonomie soit réellement associée son corollaire, la responsabilité, à la fois personnelle, civique, écologique et collective », estime Florence Taboulet.

 

De l’accouchement à l’IVG

 

L’autre décret concerne l’ouverture de la pratique de l’IVG médicamenteuse aux sages femmes (cf. Une sage femme face à l’IVG médicamenteuse), jusqu’ici réservée aux seuls médecins. L’objectif clairement avoué est de faciliter encore l’accès à l’IVG pour pallier aux départs en retraite de « médecins militants»[4], ou de suppléer à la fermeture, depuis l’an 2000, de 130 centres IVG. Les conditions dans lesquelles les sages femmes vont exercer relèvent de plusieurs conditions. La sage femme doit par exemple justifier d’une expérience professionnelle constituée « par une pratique suffisante et régulière des IVG médicamenteuses », elle est soumise à un devoir d’information des patientes sur les risques de l’IVG médicamenteuse et doit s’assurer de la proximité d’un établissement de santé « dans un délai de l’ordre d’une heure », elle doit assister à la première prise de médicament… Beaucoup de précautions qui suffisent à attester des dangers de l’IVG médicamenteuses, pourtant banalisée. Quand en Allemagne, un pays pourtant plus peuplé que la France, le nombre d’avortements, moins de 100 000 par an depuis 2014, ne cesse de décroître[5], la France, maintient un nombre démesuré d’IVG puisqu’il s’en pratique toujours près de 210 000 chaque année. Un chiffre qui montre de façon patente les défaillances ou les intentions de politiques sanitaires dont on peine à s’expliquer l’entêtement.

 

 

[1] Florence Taboulet est professeur de droit pharmaceutique et d’économie de la santé à l’Université de Toulouse III.

[2] L’Igas le constatait déjà dans son rapport de 2009 cité : « Si le recours à la pilule du lendemain a augmenté de 72% entre 2000 et 2005, le nombre d’IVG pratiquées est demeuré stable. On constate même une tendance à l’augmentation de leur nombre chez les jeunes ».

[3] On peut lire en sous-titre d’une publication du ministère chargé de la santé : « Le nombre d’IVG est stable bien que la contraception d’urgence se développe ». En effet, en France métropolitaine, on comptait 7 IVG pour 1000 femmes âgées de 15 à 17 ans en 1990, 10,5 en 2010 et 9, 5 en 2012. DREES. Les interruptions volontaires de grossesse en 2012. Etudes et résultats. N° 884, juin 2014.

[6] Les maternités de niveau 3 disposent d’un service de réanimation néonatale et sont spécialisées dans le suivi des grossesses pathologiques (hypertension pendant la grossesse, diabète gestationnel) ou multiples, celles dont on sait, dès la conception, qu’elles présentent un risque pour l’enfant à naître. Les grands prématurés (moins de 33 semaines), par exemple, naissent dans ce types d’établissement, car les médecins doivent intervenir immédiatement pour pallier aux détresses respiratoires.

 

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