La Société de médecine prédictive et personnalisée assume un eugénisme libéral

Publié le 19 Juin, 2016

L’annonce n’a pas fait grand bruit : la Société de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP) « préconise la substitution des amniocentèse par le DPNI ». C’est « logique », « éthique », « utile » selon cette société savante, du même avis que le CNGOF[1]. Il s’agit même d’une « urgence ». Elle devance ainsi la publication du second rapport d’évaluation de la HAS, de laquelle dépend le remboursement de ce test [2](cf.La HAS conclut hâtivement sur le DPNI).

 

La SFMPP se félicitait déjà de l’inscription du DPNI au Référentiel des actes Innovants Hors Nomenclature de biologie(RIHN) en avril 2016. C’est une « reconnaissance attendue de leur intérêt médical, qui préfigure un remboursement, sous réserve des évaluations médico-économiques en cours ». Et elle insiste : « Le DPNI n’a que des avantages ». Les firmes développant le DPNI travaillent d’ailleurs pour proposer un test « simple », « fiable », mais surtout « rentable »[3].

 

Les nouvelles technologies « nécessitent un temps d’appropriation, de prudence ». Pour le DPNI, « le retour d’expérience est positif ». Ce qui ne serait pas éthique aujourd’hui : continuer à proposer des amniocentèses après un dépistage combiné, qui entraine 1% de fausse couche. Le principe même de « primum non nocere » ne serait plus respecté. Pour Pierre Le Coz, il est donc  « scandaleux de continuer à utiliser cette technique délétère (l’amniocentèse) ».

 

Il n’y a pas « d’innovation sans réflexion éthique », mais pas question ici de « relancer le débat de fond sur le dépistage de la trisomie 21 ». C’est acquis, d’ailleurs « les bonnes pratiques de DPN font déjà l’objet de décrets ». Il s’agit de « trouver la meilleure stratégie, qui intègre nécessairement aujourd’hui le DPNI, plus fiable que l’amniocentèse et qui ne présente pas de risque pour l’enfant, ni pour la mère ». Les arguments sont donnés, la HAS est une fois de plus sommée d’agir vite.

 

Luc Ferry, invité du congrès de la SFMPP, est tout à fait à l’aise avec cet « eugénisme libéral ». « Nous sommes dans cette logique », explique-t-il sans ciller. « 97% des femmes avortent d’un fœtus trisomique », mais cet « eugénisme » n’a rien à voir avec le « nazisme ». Pour lui la « question morale » est de savoir si le dépistage prénatal relève du choix des parents ou de l’Etat, (il penche pour les premiers). La démarche de dépistage doit « rester libre et volontaire ».

 

Au cours du congrès, la question qui se pose alors est celle des perspectives futures : Veut-on étendre le DPNI à d’autres pathologies génétiques pendant la grossesse ? Car le « DPNI » est « mal nommé », sous entendant la trisomie 21, mais « d’autres applications sont possibles ». Pour Lieve Page Christiaens, gynécologue néerlandaise qui travaille pour le laboratoire Illumina, « une expansion des tests non invasifs au delà des trisomies est souhaitée par un certain nombre de clientes », la réponse ne fait donc plus de doute.

Elle regrette qu’en Hollande, une loi interdise le dépistage pour les maladies incurables, « l’avortement n’étant pas considéré comme un traitement » : cette loi lui interdit de proposer le DPNI pour la trisomie 21 chez des femmes à bas risque.

Elle soutiendra par ailleurs la préconisation de la SFMPP, et appuiera l’argument de remplacement des amniocentèses, avouant avoir elle même « provoqué 20 à 30 avortements d’enfants sains par cette techniques ». Elle sera applaudie pour son « humanisme ».

 

[1] Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français

[2] Le DPNI coûte « entre 400 et 690€ ». Pour diminuer le coût il faut « automatiser la procédure » expliquent certains médecins. Une amniocentèse coûte 1000 à 1300€.

[3] Hanna Aissaoui, de la société Multiplicom

 

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