Dans le Connecticut, un juge a rejeté le 17 février dernier les plaintes déposées par les enfants des patients d’un médecin de l’Etat qui avaient découvert que ce dernier avait utilisé son propre sperme pour féconder leurs mères à leur insu. Les plaignants ont découvert la faute du médecin en effectuant des tests ADN à domicile.
Pas de dommages pour les enfants ?
Les plaignants avaient porté plainte pour « négligence, dissimulation frauduleuse, absence de consentement éclairé et pratiques commerciales déloyales ». Le défendeur a fait valoir qu’il n’avait aucune obligation envers les plaignants, qui n’ont jamais été ses patients, et que les plaignants se rangeaient derrière des arguments de « vie injustifiée ». Des demandes correctement caractérisées pour la Cour qui a toutefois choisi de les débouter, les faits allégués ne justifiant pas un tel recours, a-t-elle estimé. Pour le juge, en effet, les demandeurs n’ont pas démontré suffisamment de « préjudices et de dépenses extraordinaires subis en raison de la conduite présumée délictueuse du défendeur ». En d’autres termes, les plaignants n’ont pas subi de dommages suffisants du fait des actions de leur père génétique.
Pour Jody Madeira, professeur à la Maurer School of Law de l’université de l’Indiana à Bloomington et spécialiste de la fraude en matière de fertilité, « il est juridiquement douteux de classer les plaintes pour fraude en matière de fertilité sous la rubrique “vie injustifiée” ». « Ces enfants étaient très désirés par leurs parents, précise-t-elle, et leur argument n’est pas que la non-existence serait préférable à l’existence. Ils ne sont pas non plus nés avec des malformations congénitales ou des maladies génétiques. » Pour le professeur, « les tribunaux devraient plutôt se concentrer sur les actes frauduleux du médecin ».
Des décisions différentes dans d’autres affaires de fraude
Dans d’autres affaires similaires, la justice a statué différemment.
Ainsi, en 2021, la Cour supérieure de l’Ontario au Canada a attribué 13,375 millions de dollars à 226 victimes d’un médecin qui avait inséminé ses patientes avec son sperme (cf. Canada : Pas de procès pénal pour un médecin de la fertilité ayant utilisé son propre sperme).
L’année dernière, un jury du Vermont a accordé 5,25 millions de dollars – 250 000 dollars de dommages-intérêts compensatoires et 5 millions de dollars de dommages-intérêts punitifs – à la victime d’un médecin qui avait utilisé son propre sperme sur une patiente, au lieu du sperme de donneur promis. Et, dans le Colorado, un médecin et un cabinet médical ont dû verser 8,75 millions de dollars à leurs victimes.
En janvier 2023, un projet de loi fédéral a été introduit pour préciser que le fait pour un professionnel de santé de modifier sciemment la nature ou la source de l’ADN utilisé dans toute procédure de PMA constitue un délit.
Source : Above the law, Ellen Trachman (08/03/2023)