Forum européen de bioéthique : La PMA, un acharnement procréatif ?

Publié le 28 Jan, 2016

Le Forum européen de bioéthique consacrait hier une partie de l’après-midi à la procréation médicalement assistée (PMA). A partir de leur expérience scientifique et psychiatrique, René Frydman[1], et Monique Bydlowsky[2] ont tenté de répondre à la question suivante : « Y a-t-il un acharnement procréatif aujourd’hui en France ? » Etonnamment, les intervenants, manifestement acquis à la cause de la procréation médicalement assistée, n’ont pas caché ses failles.

 

Avant de leur donner la parole, Israël Nisand a rappelé qu’il existe aujourd’hui 120 centres d’assistance médicale à la procréation en France, tous gratuits, puisque la PMA est remboursée par la sécurité sociale.

 

Les médias ont un rôle dans l’acharnement procréatif

Les deux intervenants s’accordent à dire que les médias ont amené à un recours excessif à la procréation médicalement assistée « en faisant croire que tout était possible ». Pourtant René Frydman ne le cache pas : les techniques de fécondation in vitro n’ont pas vraiment évolué depuis 35 ans. Les chances de succès d’une FIV sont de 25%, et 70 à 75% des embryons in vitro sont porteurs de maladies chromosomiques sans qu’on en connaisse la raison. Il affirme au passage, en toute impunité, que ces embryons ne sont pas implantables du fait de leur maladie chromosomique. Procédé manifestement eugénique qui sort du champ légal du diagnostic préimplantatoire (DPI), en effet, le DPI n’est autorisé que pour détecter si l’embryon est porteur de la maladie génétique de ses parents.

 

Les médecins ne savent pas dire non à une demande de PMA 

René Frydman explique que, pris dans le cercle de trois facteurs : l’injonction du « tout est possible », le remboursement de la sécurité sociale, et des demandes provenant de personnes de plus en plus âgées, les médecins ont beaucoup de mal à dire non. Normalement, les couples ne peuvent faire plus de 4 essais de PMA pour un enfant, mais en réalité, les couples assistés par les médecins en font jusqu’au double, et ce, malgré l’épuisement des couples. Ce que les intervenants jugent démesuré. La France se situe d’ailleurs dans les taux les plus faibles d’abandon d’une PMA en Europe. 

 

L’ouverture nécessaire à un accompagnement psychologique

Monique Bydlowsky a quant à elle développé une clinique d’infertilité « énigmatique », pour des femmes dont la stérilité est inexpliquée. Les femmes la consultent pour une infertilité secondaire, c’est à dire qu’elles ont déjà conçu, mais qu’elles ont vécu par exemple un avortement. D’autres, qui n’ont jamais conçu, viennent pour une infertilité primaire.

Pour les femmes souffrant d’une infertilité secondaire, Monique Bydlowsky explique qu’il est courant qu’elles aient vécu un traumatisme d’interruption volontaire de grossesse, même « bien vécu » à l’époque précise-telle, qui les bloque dans la procréation. Un accompagnement psychologique bref peut très souvent aider la femme à concevoir naturellement. Une porte psychique qu’il faut ouvrir, renchérit René Frydman, avant de proposer une réponse technique de PMA.

Une dimension psychique qui peut aussi être malmenée dans les processus de PMA explique  Monique Bydlowsky évoquant, avec une pointe d’humour caustique, que “la congélation embryonnaire refroidit beaucoup de gens”.

 

La table ronde plutôt objective sur la PMA, n’a pas éludé des questions importantes : Quid de l’enfant ? Pourquoi ne pas savoir accepter la fatalité de l’infertilité ? A qui profite la conservation ovocytaire, à la femme ou à son employeur ? 

On ne peut que regretter que ces questions bien posées n’aient pu bénéficier d’un temps suffisant de réponse. Et surtout qu’Israel Nisand ait conclu de façon abrupte et partisane en cautionnant d’emblée la vitrification ovocytaire de confort, refermant en quelques secondes le champ de la réflexion qui s’était ouvert.   

 

 

[1] Gynécologue des hôpitaux de Paris, professeur des universités, chef de service hôpital Antoine Bécière de Clamart.

[2] Neuropsychiatre et psychanalyste, spécialiste de la maternité.

 

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