Financer la contraception : « un prérequis pour obtenir les aides de la Banque mondiale »

Publié le 18 Juil, 2023

Au Niger, pays « à la fois le plus jeune du monde [1] et l’un des plus pauvres », « tout est fait pour réduire la fécondité nationale ». Les femmes y ont « un peu moins de 7 enfants en moyenne ». Un « record mondial » là aussi.

« Sensibiliser les citoyens à la maîtrise de la natalité »

Pour ralentir la démographie, le Gouvernement a créé « un office de la population pour sensibiliser les citoyens à la maîtrise de la natalité ». « Une centaine de nouveaux internats de jeunes filles » doivent être en outre installés d’ici deux ans en zone rurale. Des internats « subventionnés » par des entreprises occidentales où les enfants arrivent vers l’âge de 12 ans et restent une dizaine d’années.

Mohamed Bazoum, le président du Niger, a fait du « combat démographique » une « cause nationale ».

Les campagnes de contraception inefficaces ?

« Comme beaucoup d’autres pays africains, le Niger consacre aussi beaucoup d’argent à la contraception. » « C’est un prérequis pour obtenir les aides de la Banque mondiale, explique Gilles Pison, démographe à l’Institut national d’études démographiques : tous les pays qui y prétendent doivent mener une politique active de contrôle de la natalité. » (cf. La Contraception : un objectif de développement durable ?)

Mais les économistes s’interrogent sur l’efficacité des campagnes de contraception. Une étude menée au Burkina Faso semble en effet prouver le contraire. Un groupe de femmes a eu accès gratuitement à « tous les moyens de contraception possibles » dans les « centres de natalité locale ». Un autre groupe non. Mais trois ans après, les taux de fécondité des deux groupes étaient toujours les mêmes.

« A cela deux conclusions possibles, analyse Pauline Rossi, professeure à l’école Polytechnique, qui a mené l’expérience : soit les femmes du premier groupe n’utilisent pas les moyens de contraception qui leur sont proposés. Soit celles du deuxième groupe régulent déjà leurs naissances par des méthodes naturelles. » « Le manque d’accès à la contraception n’est pas ce qui explique la forte natalité africaine, affirme le chercheur. Le vrai enjeu est de savoir pourquoi les femmes continuent à vouloir tant d’enfants. »

Les règles d’héritage, en reconnaissant « le statut de mère bien plus que celui d’épouse survivante », jouent « un rôle essentiel ». « La maternité donne l’assurance de pouvoir vivre décemment sa fin de vie », résume Pauline Rossi.

Le rôle de l’Occident ?

« Il est très intéressant de voir à quel point le discours occidental sur la fécondité africaine s’est inversé entre la période coloniale et aujourd’hui », indique le professeur. En effet, les empires coloniaux « craignant que la population africaine décroisse et qu’ils n’aient plus la force de travail nécessaire pour travailler les terres » ont mis en place des politiques natalistes, explique Catherine Guirkinger, une économiste belge professeure à l’université de Namur. Les mères étaient encouragées à réduire la période d’allaitement, un « contraceptif naturel ». Des lois interdisant « l’usage et la promotion de la contraception » ont également été introduites en 1920. Elles sont restées en vigueur jusque dans les années 1980-1990.

« Si le Sahel présente des records de fécondité, les autres régions d’Afrique ont déjà bien entamé leur transition démographique, et laissent penser que le continent suivra in fine la même tendance que l’Asie il y a trois décennies, à savoir une décélération de sa croissance démographique ».

« Il n’y a pas d’exception africaine », résume Gilles Pison. « La fécondité y baisse déjà fortement. Le processus s’est juste enclenché plus tardivement. » En attendant la population du Niger devrait doubler d’ici à 2040.

 

[1] La moitié de la population nigérienne a moins de 14 ans.

Source : Les Echos, Lucie Robequain (17/07/2023) – Photo : iStock

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