Dans un avis rendu public le 13 juillet, l’Académie nationale de médecine (ANM) affirme à nouveau son opposition à l’euthanasie. Pour la première fois, elle admet en revanche « à titre exceptionnel » le suicide assisté.
Une transgression du serment d’Hippocrate
L’euthanasie doit « être écartée, au regard de sa forte portée morale et symbolique, mais aussi du fait que les professionnels et membres des associations de l’accompagnement en fin de vie s’y opposent » écrivent les académiciens (cf. 800.000 soignants s’opposent à l’euthanasie). Sa légalisation risquerait de « brouiller les repères de leur vocation » et même « d’aviver la crise actuelle du manque de soignants » ajoute l’avis (cf. Fin de vie : « c’est le soin qui doit d’abord s’exprimer »).
L’euthanasie consistant en l’administration d’un produit létal par le médecin, celle-ci transgresse le serment d’Hippocrate qui dispose que « Je ne provoquerai pas la mort » rappelle l’académie qui maintient son opposition (cf. « Il n’est pas dans la mission du médecin de donner la mort » : l’Académie nationale de médecine prend position sur la fin de vie).
« Au moins, nous avons réussi à nous faire entendre sur ce point » concède Sophie Moulias, gériatre hospitalière et membre de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG) (cf. Projet de loi sur la fin de vie : soignants et parlementaires veulent faire entendre leurs voix).
« Avant d’avoir l’autorisation de tuer, nous voulons déjà avoir celle de soigner » insiste le médecin (cf. Claire Fourcade : « Je suis médecin, la mort n’est pas mon métier »). « Si certaines personnes trouvent leur fin de vie insupportable, c’est entre autres parce qu’elles ne bénéficient pas des soins auxquels elles ont droit. C’est cela, l’urgence ! » dénonce-t-elle en rappelant le manque de soins palliatifs en France (cf. Fin de vie : Les soins palliatifs, « parent pauvre de la médecine »).
« L’incorporation prudente et encadrée » du suicide assisté ?
« Tenant compte de la volonté du législateur » de faire évoluer la loi (cf. Fin de vie : Agnès Firmin le Bodo esquisse le futur projet de loi), l’académie se prononce désormais pour « l’incorporation prudente et encadrée » du suicide assisté. L’institution y consent « à titre exceptionnel » et « sous conditions impératives », afin d’ « aider à mourir le moins mal possible » ajoute-t-elle.
Dans son avis, elle recommande d’exclure « les troubles psychologiques, l’état dépressif, le grand âge avec troubles cognitifs avérés et les maladies et handicaps avec altération de la capacité de jugement » du champ de l’assistance au suicide. Seule « une personne en capacité de discernement et bénéficiant de soins palliatifs pourra faire une demande qui doit s’avérer éclairée, libre et réitérée » précise aussi le texte (cf. Le « consentement indirect » : « Même la Belgique n’a pas osé »).
Les académiciens considèrent en outre que toute demande devra être validée par plusieurs médecins, et qu’une clause de conscience devra être prévue pour les praticiens qui ne veulent pas participer à l’acte (cf. Objection de conscience : « Le médecin n’est pas une machine »).
« Plus d’inconvénients que d’avantages »
L’avis a été adopté le 27 juin avec 60 voix pour, 24 contre, et dix abstentions.
La psychiatre Sarah Dauchy, présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, estime que cet avis « a le mérite de s’interroger de manière très concrète sur les garanties à apporter ». « Sauf qu’une fois le processus enclenché, les verrous initiaux sautent les uns après les autres » fait remarquer Sophie Moulias. « Que ce soit au Canada, en Suisse, en Belgique ou aux Pays-Bas, on euthanasie désormais des personnes déprimées ou souffrant de troubles cognitifs » prévient-elle (cf. Euthanasie : la pente glissante).
De son coté, le Dr Jean Leonetti relève que « l’assistance au suicide est certes préférable à l’euthanasie ». « Mais elle comporte plus d’inconvénients que d’avantages » alerte-t-il d’ores et déjà.
Sources : La Croix, Mélinée Le Priol (17/07/2023); JIM, Quentin Haroche (17/07/2023)