Fin de vie : « Est-ce à l’ensemble des Français de décider ce qui est bon pour les malades ? »

3 Juil, 2023

Dans une tribune publiée par le Figaro, Edwige Mouttou s’offusque des résultats de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Ingénieure et mère de quatre enfants, elle a appris à 44 ans qu’elle était atteinte de la maladie de Parkinson. « Les résultats de cette réflexion ne peuvent être que déconnectés de la réalité vécue par les malades » déplore-t-elle.

« Aucun bien portant ne peut se mettre à la place d’un malade »

« Je suis malade et ne me sens pas représentée par les 184 citoyens de la convention fin de vie » regrette Edwige Mouttou. « Pourquoi ? Parce qu’ils sont majoritairement bien portants » relève-t-elle.

Ces 184 citoyens ont été sélectionnés par tirage au sort avec une pondération selon l’âge ou l’origine géographique, ajoute l’ingénieure (cf. Convention citoyenne : tirage au sort des 150 participants). En revanche, « aucune pondération n’a été faite pour que les personnes concernées au premier chef, les malades, soient majoritairement représentées » reproche-t-elle. « Est-ce à l’ensemble des Français de décider ce qui est bon pour les malades ? Les malades ne sont-ils pas les mieux placés ? », interroge-t-elle.

« Aucun bien portant ne peut se mettre à la place d’un malade », dénonce Edwige Mouttou. « Les résultats de cette réflexion ne peuvent être que déconnectés de la réalité vécue par les malades » (cf. Fin de vie : La Convention citoyenne rend sa copie).

« Tous les jours, je me bats pour vivre ! »

« Il y a un avant et un après la maladie » témoigne-t-elle. « Je n’aurais jamais imaginé vivre comme je vis aujourd’hui avec ma maladie, et savourer pleinement la vie comme je la savoure aujourd’hui ». « Le malade trouve en lui des ressources insoupçonnées » relève-t-elle. « Tous les jours, je me bats pour contrer la perte d’équilibre, pour ralentir la perte de motricité… Tous les jours, je me bats pour vivre ! » (cf. « La lourdeur du jour, comme la joie des petits riens »)

« Moi qui ne prenais jamais de médicaments, je suis obligée d’avaler quotidiennement un traitement très lourd sinon je perds l’équilibre et je tombe » témoigne Edwige Mouttou.  « Je ne peux pas me permettre d’arrêter les médicaments » ajoute-t-elle. Pourtant, ce n’est pas de son traitement dont elle a le plus besoin. « J’ai encore plus besoin de la présence à mes côtés de ma famille, de mes amis, mais également du regard bienveillant de la société » confie-t-elle (cf. « Etre regardés, soulagés, accompagnés, mais pas tués »). « Ils sont comme des murs qui tiennent l’édifice ».

« La société renonce à son regard bienveillant »

L’annonce d’une prochaine loi sur l’euthanasie et le suicide assisté a fragilisé l’édifice. « Avec ce projet de loi, la société renonce à son regard bienveillant » déplore la mère de famille. « Le mur de la société est tombé dans un fracas » dit-elle. « Ce sont des directives décidées par des bien portants qui s’appliqueront aux personnes malades dont la plupart ne veulent ni euthanasie, ni suicide assisté » regrette l’ingénieure.

Comme le rappelle Edwige Mouttou, l’ancien Président, François Mitterrand, mettait déjà en garde : « le jour où une loi donnera à un médecin le droit d’abréger la vie, nous entrerons dans une forme de barbarie ». « On fera pression sur les personnes âgées pour qu’elles aient l’élégance de demander la mort et de ne pas peser » indiquait-il il y a plus de vingt ans.

« Les bien portants, au fond d’eux-mêmes, sont convaincus que la vie du malade est rude et moche » dénonce la mère de famille. Au contraire, elle déclare : « ma vie est rude et belle. Ma vie vaut la peine d’être vécue » (cf. « La mort ne sera jamais la solution. La solution c’est la relation »).

Aider à mourir ou aider à vivre ?

La Convention citoyenne s’est interrogée sur la fin de vie, mais « a-t-on pensé aux malades qui veulent vivre ? Qu’est-il prévu pour les aider à vivre sereinement dans un climat très anxiogène où ils sont devenus éligibles à la mort ? » ajoute Edwige Mouttou. « Si on promeut le message qu’il est admirable de vouloir mourir, on ne peut encourager avec ce même message, les personnes à vivre », alerte l’ingénieure. « En légiférant, la société fait le choix d’aider à mourir et non d’aider à vivre » déplore-t-elle (cf. Fin de vie : l’Eglise catholique prend position en faveur d’une « aide active à vivre »).

L’annonce d’un projet de loi à la fin de l’été est « un choc émotionnel énorme pour les malades qui veulent vivre » indique-t-elle. « Un choc émotionnel a toujours un effet négatif sur la maladie. C’est un combat de plus pour nous à mener » affirme-t-elle.

Source : Le Figaro, Edwige Mouttou (29/06/2023)

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