Les états généraux de la bioéthique s’ouvrent ce 18 janvier. Emmanuel Hirsch, directeur de l’espace de réflexion éthique de la région île de France et professeur d’éthique médicale à la faculté de médecine Paris Sud publie à cette occasion une tribune dans laquelle il explique les enjeux de ce « temps fort de notre vie démocratique ».
Pour cette nouvelle édition, la concertation portera sur la « démédicalisation des finalités de certaines possibilités scientifiques, dans le champ notamment de la procréatique et de la génomique »[1]. Mais elle s’ouvre aussi aux « nouveaux territoires de la bioéthique » : neurosciences, intelligence artificielle, usage des données de masse, robotisation, qui soulèvent des questions renouvelées : « Est-il envisageable en 2018, de poser un cadre à des innovations disruptives qui bouleversent de manière irréversible nos conceptions de l’environnement, du vivant, de l’humain, de notre rapport à l’autre et au monde? Est-on capable de concevoir un humanisme pour tant d’artificialisation, de numérisation ou de vitrification de notre humanité? Quelles valeurs et quels critères opposer à l’enchantement d’une promesse d’invulnérabilité et de dépassement d”une condition humaine, considérée par certains indigne, voire révocable? »
Ces prochains mois représentent à la fois « un enjeu, un défi et un risque ». « Une certaine bioéthique d’hier est révolue » estime Emmanuel Hirsch et « il nous faut inventer, nous approprier et implémenter une bioéthique pour demain ». Ces états généraux sont l’occasion de « s’impliquer dans le débat », de « mieux nous approprier la compréhension d’innovations scientifiques complexes », car « c’est aujourd’hui que nous devons déterminer ensemble les conditions de notre devenir ». Le défi « est de créer les conditions d’une transition entre l’ancien et le renouveau de nos principes, à l’épreuve des évolutions biomédicales et technologiques ». « Il est encore temps d’agir sur le destin de notre humanité » affirme Emmanuel Hirsch.
Jean-René Binet, professeur à la faculté de droit de Rennes et membre honoraire de l’Institut universitaire de France, invite pour sa part le législateur à se « préoccuper de l’intérêt de ceux qui ne s’exprime pas », avant de réviser la loi de bioéthique. Il est « particulièrement difficile de saisir les aspirations des citoyens » explique-t-il. Et il s’inquiète du manque de temps et de moyens consacrés à cette tâche alors que s’ouvrent les états généraux. De façon plus générale, il constate que les « revendications individuelles exprimées par le recours à la fameuse formule ‘droit à’ » ne concernent pas que les questions de bioéthique. « Le véritable problème réside en réalité dans la manière dont le législateur traite ce type de revendication et sait concilier les revendications contradictoires. (…)C’est justement à lui qu’il revient de faire exister, dans le débat, l’intérêt de ceux qui ne s’expriment pas: les enfants ou les générations futures par exemple».
[1] Assistance médicale à la procréation pour un couple de femmes, gestation pour autrui, critères de sélection dans le contexte d’un diagnostic préimplantatoire, suicide médicalement assisté ; utilisation de l’outil moléculaire CRISPR Cas9.
Huffington Post, Emmanuel Hirsch (17/01/2018); Le Figaro, Agnès Leclair (17/01/2018); Le Figaro, Eugénie Bastié (17/01/2018)