Dans une tribune de La Croix, Danielle Moyse montre la nécessité de penser la coexistence entre le droit à l’objection de conscience et la liberté d’avorter, laquelle n’est pas le résultat d’un droit mais d’une simple autorisation juridique de déroger au droit à la vie.
Elle critique ainsi le projet initial de résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (cf. Synthèse de presse du 30/09/10) qui invitait les états membres à "réglementer" l’exercice de l’objection de conscience dans le domaine médical, en obligeant notamment les soignants à pratiquer l’avortement "malgré leur objection de conscience en cas d’urgence" et en créant "un registre des objecteurs de conscience". "Qu’un Etat puisse envisager de faire taire, fût-ce en cas d’’urgence’, la voix de la conscience des personnels soignants ne saurait en effet constituer le moyen d’assurer l’accès à l’interruption de grossesse", note-t-elle avant d’ajouter : "le propre d’un Etat de droit, c’est d’accepter l’écart entre loi morale et loi écrite". "Le droit ne saurait, sauf en cas de tentation totalitaire, recouvrir à lui seul le sens du juste". Elle s’interroge également sur la nature de l’urgence posée par le texte : celle où la santé de la mère serait mise en danger par la grossesse, ou la seule urgence créée par la nécessité d’accéder à l’interruption de grossesse dans les délais légaux ?
Constatant l’inévitable déséquilibre juridique qui oppose le droit à l’objection de conscience à l’autorisation de l’avortement, "puisqu’un droit vaut plus qu’une autorisation", elle affirme que "c’est prioritairement à l’Etat qu’il appartient d’organiser la concrétisation d’une possibilité législative, surtout quand on sait que tous les protagonistes ne voudront pas, pour des raisons morales, la mettre en œuvre". D’autant que rien ne prouve que les objecteurs de conscience soient les responsables des "difficultés" d’accès à l’IVG.
La Croix 15/02/11