Alors que tous les Etats australiens ont adopté une législation sur l’« aide volontaire à mourir »[1], le don d’organes après euthanasie dans le contexte australien « n’a reçu qu’une attention limitée de la part des universitaires, des praticiens et du public », regrettent des chercheurs. Ils publient des recommandations en vue de cette pratique dans The Medical Journal of Australia.
Une pratique déjà adoptée dans différents pays
Le don d’organes après euthanasie est actuellement pratiqué en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne et au Canada. Aux Pays-Bas, l’euthanasie étant une « mort non naturelle », le procureur et le médecin légiste municipal doivent également être informés.
Entre 2012 et janvier 2022, le don d’organes après euthanasie a été pratiqué 85 fois aux Pays-Bas. En Espagne, on recense sept cas en 2021, 42 en 2022 (cf. Euthanasie et dons d’organes : les “résultats” de l’Espagne). Au Canada, entre 2016 et 2021, 136 patients ont fait don de leurs organes après une euthanasie (cf. Euthanasie : le Canada étend le don d’organes aux patients qui ne sont pas en phase terminale), quand en Belgique ils sont 50 entre 2011 et 2020 (cf. Belgique : les recommandations du Comité de bioéthique pour un don d’organes après euthanasie « acceptable éthiquement »).
Environ 10 % des patients qui ont recours à l’euthanasie sont considérés comme « potentiellement admissibles au don d’organes » sur le plan médical.
Une euthanasie calibrée
Quand le prélèvement d’organes est envisagé, l’euthanasie est souvent pratiquée dans une unité de soins intensifs, car son personnel est « familiarisé » avec le don d’organes.
Les proches du patient peuvent être présents dans l’unité pendant que le médecin procède aux injections. La mort survient « généralement » dans les 10 à 15 minutes. L’administration intraveineuse est privilégiée en vue d’un don d’organes après euthanasie. En effet, l’ingestion orale de barbituriques n’est généralement pas adoptée car « le processus de mort est imprévisible ». De plus, « la prolongation de l’hypotension et de l’hypoxémie rend les organes impropres à la transplantation ».
Les particularités de l’Australie
En Australie, quel que soit l’Etat, il est strictement interdit de pratiquer une euthanasie uniquement pour des raisons de maladie mentale ou de handicap. Ce qui n’est pas le cas par exemple aux Pays-Bas (cf. Pays-Bas : des personnes euthanasiées seulement en raison de leur déficience intellectuelle).
Par ailleurs, le prélèvement d’organes est régi par une directive nationale émise par l’Organ and Tissue Authority selon laquelle les organes ne sont prélevés que si la famille (le plus proche parent) du donneur décédé y consent, que la personne se soit ou non inscrite comme donneur d’organes ou qu’elle ait ou non exprimé sa préférence pour le don d’organes après sa mort.
Finalement, d’un point de vue juridique, il ne semble pas y avoir d’« obstacles » à la pratique estiment les chercheurs.
Toutefois l’administration intraveineuse en milieu hospitalier peut représenter un « défi logistique » au développement du prélèvement d’organes après euthanasie. Dans l’Etat de Victoria, les patients doivent s’administrer eux-mêmes la substance létale, sauf s’ils sont « physiquement incapables de s[e l’]administrer ou de [la] digérer ».
Les données les plus récentes disponibles dans cet Etat dénombrent un total de 604 décès par euthanasie. Dans 517 cas, la substance a été auto-administrée et dans 87 cas, elle a été administrée par un praticien. « Il reste à voir si, lorsqu’ils ont le choix, les patients sont plus nombreux à opter pour l’administration par un praticien que pour l’auto-administration », concluent les chercheurs.
Quelques « recommandations »
« Bien que le nombre potentiel de patients éligibles à l’euthanasie et aptes au don d’organes soit limité, ceux qui remplissent les critères pour les deux devraient être encouragés à faire don de leurs organes », estiment les auteurs. « Etant donné qu’une personne doit demander elle-même l’euthanasie, il est peu probable qu’il y ait un risque de coercition pour le don d’organes », veulent-ils rassurer.
Selon eux, la directive nationale devrait comporter « quatre éléments essentiels » : le respect de la « définition légale de la mort », le respect de la législation de chaque Etat ou territoire en matière d’euthanasie, « l’adhésion à la directive nationale sur le don d’organes après un décès d’origine circulatoire, qui peut également inclure une discussion sur le consentement éclairé au don d’organes avant la mise en place d’une euthanasie », et le consentement du parent le plus proche.
[1] Terminologie adoptée en Australie, « voluntary assisted dying »
Source : The Medical Journal of Australia (03/07/2023)