Des chercheurs de l’Université de Laval au Canada ont édité le génome de cellules humaines cultivées in vitro, « en y introduisant une mutation qui protège contre la maladie d’Alzheimer ». Car, « alors que certaines mutations génétiques augmentent le risque de développer la maladie d’Alzheimer, il existe une mutation qui, a contrario, réduit le risque de développer la maladie ».
La « mutation islandaise »
Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, il s’agit d’une mutation rare identifiée en 2012 dans la population islandaise, détaille le professeur Jacques-P. Tremblay, auteur principal de l’étude. Cette mutation « n’a aucun inconvénient connu pour ceux qui la portent mais réduit le risque de développer la maladie », précise-t-il. L’équipe de généticiens et neurologues a publié ses travaux dans la revue CRISPR Journal [1]
« Le cerveau des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer présente des plaques amyloïdes caractéristiques ». Ces plaques se forment « lorsque la protéine précurseur de l’amyloïde est clivée par une enzyme appelée bêta-sécrétase ». En présence de « la mutation islandaise », cette enzyme « ne parvient plus à cliver la protéine précurseur de l’amyloïde ». Ce qui diminue la formation de plaques amyloïdes menant aux pertes de mémoire et aux troubles cognitifs qui caractérisent la maladie (cf. Trisomie 21 et maladie d’Alzheimer : des chercheurs précisent l’interaction de deux protéines).
De la preuve de concept à la thérapie ?
L’objectif de ces travaux est de traiter de façon préventive les personnes qui pourraient être touchées par la forme héréditaire de la maladie. Cette forme de la maladie d’Alzheimer « se manifeste par des troubles de la mémoire dès l’âge de 35 à 40 ans ».
Selon les chercheurs, si les études cliniques sont concluantes après la preuve de concept qu’ils ont réalisée, « cette thérapie génique via l’édition du génome CRISPR, pourrait aussi être utilisé pour traiter la forme courante d’Alzheimer, qui survient après 65 ans, dès les premiers signes de la maladie ». Les scientifiques réfléchissent désormais à l’utilisation d’un virus non infectieux, pour délivrer le complexe d’édition à l’intérieur des neurones en vue d’études précliniques chez la souris.
La technique d’édition génique utilisée par le professeur Tremblay, appelée « prime editing » (cf. Les « prime editors », « traitement de texte » de la génétique), pourrait être utilisée pour d’autres maladies héréditaires. Ainsi, son équipe travaille également sur le traitement de la dystrophie musculaire de Duchenne. « Il y a 7000 maladies héréditaires dans le monde, précise le professeur, et bon nombre d’entre elles sont attribuables à l’altération d’un seul nucléotide ».
[1] The CRISPR Journal 7 Feb, 2021 DOI: 10.1089/crispr.2021.0085 Insertion of the Icelandic Mutation (A673T) by Prime Editing: A Potential Preventive Treatment for Familial and Sporadic Alzheimer’s Disease
Sources : Santé log, The Crispr Journal (14/02/2022) ; L’actualité, Jean-Benoit Legault (10/02/2022) – Photo : Freeimages