Crises cardiaques : les éviter et mieux les prendre en charge grâce à l’IA ?

Publié le 16 Nov, 2023

Des chercheurs de l’université d’Oxford ont développé un outil d’intelligence artificielle (IA) permettant d’évaluer le risque de crise cardiaque mortelle à dix ans. Ils ont présenté leurs résultats lors des sessions scientifiques de l’American Heart Association à Philadelphie.

Evaluer les patients à risque, à long terme

Chaque année au Royaume-Uni, environ 350 000 personnes subissent une tomodensitométrie cardiaque, l’examen standard pour identifier tout rétrécissement ou blocage des artères coronaires, suite à des douleurs thoraciques. Dans environ trois quarts des cas, il n’y a pas de signe clair de rétrécissement significatif, et les patients sont donc souvent rassurés et renvoyés chez eux. Pourtant, nombre d’entre eux décèderont finalement d’une crise cardiaque.

En analysant les données de plus de 40 000 personnes ayant subi une tomodensitométrie cardiaque de routine dans huit hôpitaux britanniques, le professeur Charalambos Antoniades et son équipe ont mis au point un outil formé à partir de différents facteurs de risque cliniques [1].

Les scores de risque générés par l’IA pour 744 patients auraient conduit les médecins à modifier le traitement dans 45% des cas. Les chercheurs estiment ainsi que la mise en œuvre de cette technologie au sein du NHS pourrait entraîner une réduction de plus de 20% des crises cardiaques, et de 8% des décès d’origine cardiaque et des accidents vasculaires cérébraux. Une analyse indique en outre que le déploiement de cette technologie s’avérerait rentable par rapport aux soins standard [2].

Une application pour identifier le risque à court terme

Lors de la même conférence, des chercheurs de l’Ohio State University Wexner Medical Center ont présenté une application pour smartphone utilisant une technologie d’intelligence artificielle, baptisée Cordio HearO, qui vise à détecter les changements dans la voix d’une personne souffrant d’insuffisance cardiaque [3]. Ce système permettrait de prédire « plus de 75 % des hospitalisations » environ trois semaines avant qu’elles ne se produisent [4].

« Cette technologie a le potentiel d’améliorer les résultats pour les patients, en les gardant en bonne santé et en leur évitant l’hôpital, grâce à la mise en œuvre de soins ambulatoires proactifs », affirme le Dr William T. Abraham, responsable de ces travaux.

Bien que statistiquement valide, le nombre de participants à cette recherche était toutefois faible, ce qui constitue une limite de l’étude. Une autre recherche est en cours aux Etats-Unis pour approfondir ces résultats.

Un meilleur diagnostic aussi grâce à l’IA ?

Toujours à l’occasion des sessions scientifiques 2023 de l’American Heart Association, des chercheurs du National Defense Medical Center, à Taipei, ont présenté les résultats d’une technologie intégrant l’intelligence artificielle et les électrocardiogrammes. Ce système a permis de réduire le temps de diagnostic de crise cardiaque de près de 10 minutes[5]. En outre, les électrocardiogrammes assistés par IA ont permis de diagnostiquer « avec précision » les patients « avec une valeur prédictive positive de 88 % et une valeur prédictive négative de 99,9 % » [6].

« L’IA moderne pourrait désormais être aussi performante que les cardiologues experts pour diagnostiquer les crises cardiaques graves » estime l’auteur principal de l’étude, le Dr Chin-Sheng Lin.

L’essai a porté sur 43 176 patients traités par 20 cardiologues, examinés soit au service des urgences, soit en tant que patients hospitalisés dans le plus grand hôpital militaire de Taïwan, le Tri-Service General Hospital, entre mai 2022 et avril 2023[7].

Cette recherche n’a toutefois pas suivi les patients sur le long terme. En outre, l’étude ayant été réalisée dans un seul hôpital de Taïwan, les conclusions pourraient ne pas s’appliquer à d’autres hôpitaux ayant des processus cliniques différents.

 

[1] notamment les modifications de la graisse autour des artères enflammées ou des informations sur les rétrécissements des artères

[2] La technologie nécessaire au fonctionnement de l’outil d’IA ayant déjà été commandée par le NHS England pour un programme pilote dans cinq hôpitaux du NHS, les chercheurs espèrent qu’elle pourra bientôt être déployée dans l’ensemble du Royaume-Uni.

[3] Cela peut entraîner de la fatigue, une rétention d’eau, un essoufflement et parfois une toux excessive.

[4] L’étude a été menée de mars 2018 à avril 2023 et a porté sur 416 adultes, vivant en Israël, diagnostiqués avec une insuffisance cardiaque. Les participants à l’étude ont enregistré quotidiennement cinq phrases dans leur langue maternelle – hébreu, russe, arabe ou anglais – dans l’application téléphonique. Lors de la phase de formation, les mesures de la parole de 263 participants ont été utilisées pour développer l’algorithme d’IA. L’algorithme a ensuite été utilisé avec les 153 participants restants pour valider l’efficacité de l’outil.

Lors de la phase de formation de l’étude, l’application a prédit avec précision 76 % de l’aggravation de l’insuffisance cardiaque (44 des 58 événements d’insuffisance cardiaque) en moyenne 24 jours avant l’hospitalisation ou la nécessité d’administrer des fluides intraveineux. Lors de la phase de validation, l’application a détecté avec une précision de 71 % les cas d’insuffisance cardiaque environ trois semaines à l’avance (10 cas sur 14). L’application a généré en moyenne « trois alertes inutiles » par patient et par an.

[5] d’environ 52 minutes à 43 minutes

[6] Alice K. Jacobs et al, Systems of Care for ST-Segment–Elevation Myocardial Infarction: A Policy Statement From the American Heart Association, Circulation (2021). DOI: 10.1161/CIR.0000000000001025

[7] Les patients ont été divisés de manière « presque égale » en deux groupes : un groupe qui a subi les électrocardiogrammes assistés par IA, et un groupe témoin, qui recevait des « soins standard » avec un professionnel de la santé interprétant les résultats. En moyenne, les patients étaient âgés de 60 ans et environ la moitié d’entre eux étaient des hommes.

Sources : Medical Xpress, American Heart Association (13/11/2023) ; Medical Xpress, University of Oxford (13/11/2023) ; Medical Xpress, American Heart Association (14/11/2023)

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