Des chercheurs de l’USC Dornsife College of Letters, Arts and Science ont mis au point une méthode qui offre « une approche plus simple et plus rentable pour la fabrication de chromosomes synthétiques ». Baptisée « CReATiNG » (Cloning Reprogramming and Assembling Tiled Natural Genomic DNA), elle pourrait faire « progresser considérablement » le génie génétique, selon les scientifiques, et permettre des avancées dans différents domaines de la médecine, de la biotechnologie, de la production de biocarburants et « même de l’exploration spatiale »[1]. L’étude a été publiée le 20 décembre dans la revue Nature Communications [2].
Utiliser l’ADN de la levure
CReATiNG fonctionne par clonage et réassemblage de segments d’ADN naturel de la levure, ce qui permet aux scientifiques de créer des « chromosomes synthétiques » qui peuvent remplacer leurs homologues originels dans les cellules. Cette technique permet aux chercheurs de combiner des chromosomes de différentes souches et espèces de levure, de modifier la structure des chromosomes et de supprimer plusieurs gènes simultanément.
« Avec CReATiNG, nous pouvons reprogrammer génétiquement des organismes de manière complexe, ce qui était auparavant considéré comme impossible, même avec de nouveaux outils comme CRISPR », affirme Ian Ehrenreich, professeur de sciences biologiques à l’USC Dornsife.
L’essor de la génomique synthétique
« Depuis une dizaine d’années, une nouvelle forme de biologie synthétique est apparue, la génomique synthétique, qui consiste à synthétiser des chromosomes entiers ou des génomes entiers d’organismes », explique Ian Ehrenreich. Or « la plupart des recherches en génomique synthétique impliquent la fabrication de chromosomes ou de génomes à partir de zéro en utilisant des morceaux d’ADN synthétisés chimiquement ». « C’est un travail considérable et extrêmement coûteux », précise le chercheur, et « il n’existait pas d’alternative – jusqu’à présent ».
« CReATiNG offre la possibilité d’utiliser des morceaux naturels d’ADN pour assembler des chromosomes entiers », souligne Alessandro Coradini, postdoctorant et auteur de l’étude. Cette méthode rend la recherche génétique « plus accessible », « en réduisant considérablement les coûts et les obstacles techniques ».
Selon les chercheurs, l’un des aspects les plus frappants de l’étude est la façon dont le réarrangement des segments de chromosomes dans la levure peut modifier leur taux de croissance, certaines modifications entraînant une accélération ou un ralentissement de la croissance pouvant atteindre 68%. Une découverte qui met en évidence l’impact « essentiel » que la « structure génétique » peut avoir sur la fonction biologique et ouvre de nouvelles voies de recherche pour explorer davantage ces relations.
[1] Les chercheurs pensent que CReATiNG pourrait « conduire à une production plus efficace de produits pharmaceutiques et de biocarburants, contribuer au développement de thérapies cellulaires pour des maladies telles que le cancer et ouvrir la voie à des méthodes de biorestauration environnementale, telles que la création de bactéries qui consomment des polluants ». Les scientifiques envisagent aussi « un jour utiliser CReATiNG pour développer des micro-organismes ou des plantes qui pourraient se développer dans des stations spatiales ou lors de voyages spatiaux de longue durée ».
[2] Coradini, A.L.V., Ville, C.N., Krieger, Z.A. et al. Building synthetic chromosomes from natural DNA. Nat Commun 14, 8337 (2023). https://doi.org/10.1038/s41467-023-44112-2
Source : EurekAlert, University of Southern California (20/12/2023) – Photo : iStock