« Compostage humain » : vers un nouveau rite funéraire en France ?

Publié le 6 Fév, 2023

Le 31 janvier, une proposition de loi visant à lancer une expérimentation pour développer l’« humusation » a été déposée par Elodie Jacquier-Laforge, vice-présidente de l’Assemblée nationale et députée MoDem de l’Isère. Olivier Falorni fait également partie des signataires (cf. Mission parlementaire sur la fin de vie : un président qui fait débat).

L’objectif de cette proposition de loi est de débuter une expérimentation afin de définir ce que pourrait être le cadre juridique de cette « pratique ». Elle prévoit que, six mois après la fin de l’expérimentation, un rapport d’évaluation soit remis au Parlement.

Une alternative « écologique » ?

D’après les signataires, cette méthode alternative s’inscrit dans une perspective « écologique ».

En France, seuls deux rites funéraires sont aujourd’hui possibles : l’inhumation ou la crémation, rappellent les députés. Dans les deux cas, la mise en cercueil est obligatoire. Ces deux options sont extrêmement polluantes estiment-ils. « La crémation dégage près de 3 % des émissions annuelles de CO2 d’un citoyen, l’inhumation quatre fois plus. Elles nécessitent un cercueil, ainsi que la préservation du corps avec des produits polluants, comme le formol ». Outre leur procédé, la place prise post‑mortem par les corps enterrés pose aussi question selon eux.

D’après ses partisans, le processus d’« humusation », ou « compostage humain », apparait comme une nouvelle méthode funéraire permettant de préserver l’environnement.

Les députés expliquent le processus : « Ce procédé (..) consiste à envelopper le corps du défunt dans un linceul biodégradable puis à le déposer sur un lit naturel de végétaux. Recouvert, retourné, surveillé, le corps se transforme au fil du temps de manière naturelle en humus, à l’aide des micro‑organismes présents dans notre environnement. Sans odeurs et sans effets secondaires pour les espaces environnants, le phénomène de décomposition dure plusieurs mois, à la fin desquels la famille et les proches peuvent récupérer l’humus ».

Une pratique déjà légalisée ailleurs

En Belgique, une réflexion est en cours, et l’« humusation » est légalisée dans six Etats nord‑américains (cf. Au tour de la Californie d’autoriser le « compost humain »).

En France, une sénatrice avait déjà posé la question de sa légalisation en octobre 2016[1] . De même Elodie Jacquier-Laforge en 2022, après un amendement en 2021[2]. Ces initiatives avaient été rejetées, mais deux associations ont vu le jour l’an dernier pour promouvoir le processus[3].

La ville de Niort a par ailleurs créé en 2014 un cimetière dit « naturel », pensé pour réduire au maximum son empreinte écologique (cf. L’homme : un vivant comme les autres ?). Dans le respect d’une charte d’utilisation, le corps et les cendres sont déposés en pleine terre, dans un cercueil ou une urne en matériaux biodégradables. En outre, le défunt ne reçoit plus de soins de conservation, sauf rare exception.

Le respect dû au corps

Notre rapport au corps post‑mortem doit faire l’objet d’une réflexion « dans le respect de tout un chacun de disposer librement de son corps », concluent les signataires de la proposition, invoquant une fois encore cet argument également porté lors des débats liés à l’avortement ou à la fin de vie (cf. Euthanasie : « l’aboutissement du projet républicain » ?). Le droit français rappelle pourtant que le corps est indisponible. Il est inviolable et doit être respecté [4].

Le « compostage humain » offre-t-il vraiment le respect dû aux défunts comme au corps humain ? L’homme peut-il se réduire à si peu pour « protéger » la nature ? N’est-ce pas oublier un peu trop vite sa dignité et sa place particulière (cf. Délit d’« écocide » : l’homme, coupable ou victime ?) ?

Complément du 14/09/2023 : Un colloque sur le sujet est prévu le 7 novembre prochain au Palais Bourbon. Il doit réunir des membres du Conseil national des opérations funéraires, des scientifiques, des élus, des représentants du ministère de l’Intérieur et des associations qui militent pour la légalisation de l’« humusation ». Le but de ces associations est d’obtenir une expérimentation. (Source, Le Figaro, Noémie Hardy (14/09/2023))

 

[1] Question écrite n° 20504 de Mme Élisabeth Lamure (Rhône – Les Républicains)

[2] Question écrite n°716 de Mme Elodie Jacquier-Laforge (Isère – MoDem et Indépendants) ; Amendement 3179 au projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale

[3] Humusation France et Humus Sapiens

[4] L’article 16-1-1 du code civil, dispose : « (…) Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence. »

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