Sous l’impulsion de Laurence Dumont, 1ère vice présidente de l’assemblée nationale et de trois associations féministes[1], des responsables politiques, des chercheurs et des associations féministes européennes se sont réunies mardi après midi pour des « Assises pour l’abolition universelle de la maternité de substitution » à l’Assemblée Nationale.
Devant un auditoire presque exclusivement féminin, deux tables rondes se sont succédées, faisant d’abord un état des lieux de la GPA puis évoquant les leviers d’actions envisageables. En conclusion, plusieurs politiques de gauche[2] ont pris la parole avant de signer la Charte pour l’abolition universelle de la maternité de substitution.
« Location à usage reproductif », « marché des ventres », « commerce de la chaire humaine », « marché cannibal », les qualificatifs ont fusé pour dénoncer cette pratique comparable à de la prostitution car elle « chosifie le corps » et rend les femmes esclaves.
Si la Russie, les Etats Unis et l’Ukraine sont aujourd’hui les plates-formes de la GPA commerciale, Dubaï et l’Iran sont les nouvelles destinations des couples « en désir d’enfants » alors que l’Inde, la Thaïlande et le Népal ont tenté de limiter le tourisme procréatif en rendant la GPA pour des couples étrangers illégale sur leur territoire.
Toutefois, même dans les pays où elle est « régulée », Eva-Maria Bachinger, autrichienne et auteur d’« Un enfant sur commande » a fait part des ses difficultés à trouver des statistiques officielles.
La GPA est un véritable marché économique. En Inde, les mères porteuses sont regroupées dans des « usines à bébé » afin de « rationaliser l’acte », et de le rendre « indépendant de la mère porteuse ». C’est un échange « marchand, donnant-donnant qui clôt la relation ». La gestation est « planifiée, négociée, contractualisée ». Plusieurs intervenantes ont énuméré les conditions dans lesquelles les « mères porteuses » sont détenues après la signature d’un contrat de GPA : des interdictions allant du régime alimentaire aux produits capillaires, pas de rémunération en cas de fausse couche, l’obligation d’avortement sélectif en cas de grossesses multiples ou de handicap… En Inde, des « cours » sont même dispensés pour apprendre aux mères porteuses à dire « tes parents t’aiment » à l’enfant qu’elle porte, plutôt que « je t’aime ».
Depuis les années 80, où le vivant est devenu brevetable, se construit ainsi une « économie de la reproduction ». Le vivant est « privatisé », il devient un ensemble de pièces détachées considérées comme des ressources biologiques associées à la notion de revenu. « La procréation est aujourd’hui un service économique, la gestation est délocalisable et on fixe un prix au ‘service rendu’ par l’utérus ». Jean Daniel Rainhorn, médecin et spécialiste de la santé internationale, a quant à lui rapproché le marché de la GPA aux autres marchés globalisés dans le domaine de la santé : produits sanguins, organes, biobanques, et le « pillage des cerveaux ». Quatre marchés où le corps est considéré comme un réservoir, où l’homme est réduit à un objet.
Quels leviers pour l’action contre la GPA ?
La GPA est un enjeu de société, un sujet publique et politique, qui soulève la question : dans quelle société souhaitons nous vivre ?
Au niveau européen, la priorité est de lutter contre les lobbies qui poussent les instances à fermer les yeux sur le tourisme procréatif. Les commissions sont bien souvent partiales, comme le montre la nomination d’une gynécologue pratiquant la GPA rapporteur d’un texte sur le sujet au Conseil de l’Europe (cf. Europe : Le conflit d’intérêt sur les questions de GPA n’est pas retenu contre Petra De Sutter). Pour José Bové, il faut obtenir un règlement européen qui interdise la GPA. Tous se sont cependant réjouis de la condamnation de la GPA par le Parlement Européen en décembre dernier (cf. Le Parlement européen condamne la pratique de la GPA).
Au niveau international, il s’agit d’un « travail de longue haleine, à mener collectivement ». Il n’y a pas de consensus mondial, car la GPA n’est pas un véritable problème de santé publique : elle ne concerne « que quelques milliers de naissance par ans »… mais c’est la question de l’avenir de notre humanité qui est en jeu !
Deux intervenants se sont quelques peu démarqué dans leur proposition d’action : Jean Daniel Rainhorn, qui souhaite une « convention transversale pour empêcher toute marchandisation de l’humain », et José Bové, qui a appelé à une réflexion de fond sur la manipulation du vivant, « y compris sur la PMA qui entre dans la logique de marchandisation ».
[1] La CADAC (coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception), le CLF (collectif lesbien de France) et le CoRP (Collectif pour le Respect de la Personne)
[2] Elisabeth Guigou, José Bové, Laurence Cohen, Benoit Hamon, Marie Georges Buffet.