Comment la sédation endort l’opinion

Publié le 9 Mar, 2015
« Interprétation tendancieuse », « confusion », « malentendu », « erreur de compréhension », « ambigüité », « dénaturer les termes », « choix truqué » : autant d’expressions retrouvées dans la tribune de Tugdual Derville et sur le blog de Jean-Yves Nau pour qualifier le proposition de loi Claeys-Leonetti débattue cet après-midi à l’Assemblée.
 
«Parler de la fin médicalisée de la vie humaine, c’est d’abord jouer avec des mots », dénonce Jean Yves Nau. Il revient sur les récentes publications de l’Académie de médecine et de l’Ordre des médecins pour décrypter ces « glissements sémantiques » : « Fin de vie » ou « arrêt de vie », « sédation terminale » ou « injection létale », « compassion » ou « assassinat », « sédation en phase terminale » ou « euthanasie déguisée »… Tugdual Derville y ajoute « endormir le patient qui va mourir ou l’endormir pour le faire mourir ? ».
 
Revenant tous les deux sur la notion de sédation en phase terminale, introduite dans l’article 3 de la proposition, ils expriment leur désaccord avec « un nom qui devient politique »« nouveau protocole euthanasique »  défendu au titre de droit par un « raisonnement en boucle (pour ne pas dire tautologique) : la preuve que la sédation terminale n’est pas une euthanasie déguisée c’est que nous sommes contre l’euthanasie alors que nous sommes pour la sédation terminale ».
 
Cependant ils ne sont pas les seuls à dénoncer « l’hypocrisie » du texte de Claeys et Leonetti et redoutent tout autant « la surenchère des députés de la majorité présidentielle pour l’amender dans un sens explicitement euthanasique ».
 
Tugdual Derville attire aussi l’attention sur le terme « mal-mourir » évoqué dans ce débat sur la fin de vie, « reflet des lacunes de notre système de santé » et « d’une angoisse de plus en plus grande devant la mort, à cause de l’isolement ». Il regrette une « disparité régionale», l’«abandon d’objectifs », une « mauvaise application de la loi du 9 juin 1999», tout comme les Drs Sébastien Moine, médecin généraliste, et Maxime Gignon, médecin de santé publique, qui signaient hier une tribune dans Libération. S’appuyant sur l’exemple britannique, ces-derniers plaident pour l’inversion du système actuel qui concentre « l’offre de soins palliatifs au sein de services spécialisés dans les hôpitaux ». « La politique de développement des soins palliatifs en France est une illustration du syndrome de l’entonnoir à l’envers. En effet, nous avons construit une offre de soins constituée de ressources spécialisées rares (…) quand la demande de soins est massivement répandue dans la population. Il faut les repenser en partant du patient, de ses proches et de son lieu de vie. »
 
Le débat suscité par la proposition de loi Claeys-Leonetti est donc l’occasion de pointer du doigt l’insuffisance des soins palliatifs en France et d’encourager leur renforcement.

Libération (Dr Sébastien Moine, Dr Maxime Gignon) 9/03/2015 – Blog de Jean Yves Nau 10/03/2015 – Le Figaro (Tugdual Derville) 09/03/2015

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