Campagne pour l’euthanasie mais étonnement des spécialistes

Publié le 21 Mar, 2008

Les médias reviennent très largement sur le débat relancé par le cas de Chantal Sébire, retrouvée morte à son domicile mercredi 19 mars dernier. Rappelons que cette femme de 52 ans atteinte d’une tumeur incurable réclamait le "droit de mourir", soutenue par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).

Très médiatisée, cette affaire relance donc le débat sur la fin de vie, entre ceux qui souhaitent en rester à la loi Leonetti de 2005 et ceux qui plaident pour une légalisation de l’euthanasie ou l’instauration du principe d’"exception d’euthanasie" – dont Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et Nadine Morano, toute nouvelle secrétaire d’Etat chargée de la Famille (cf. Synthèse de presse du 20/03/08). Matignon a confié au député Leonetti, auteur de la loi sur la fin de vie actuellement en vigueur, la mission d’évaluer "la mise en œuvre concrète de la loi" et de "faire des propositions pour remédier à la méconnaissance ou la mauvaise application des textes et éventuellement à l’insuffisance de la législation".

Conseiller national de l’Ordre des médecins, le Dr André Deseur évoque la possibilité de mettre en place un "dispositif d’exception, dont il n’est pas certain qu’il faille l’encadrer lourdement de manière juridique", tout en excluant une révolution de la déontologie médicale, selon laquelle le médecin ne peut pas être un "donneur de mort. Ancien président du CCNE, Didier Sicard s’est montré hostile à l’éventualité d’une nouvelle loi sur l’euthanasie "à partir de situations particulières" et après un débat "trop rapide". Président du Comité d’éthique de l’INSERM, Jean-Claude Ameisen prône aussi une exception à la loi, à condition toutefois qu’elle ne soit envisagée que dans le cadre d’une meilleure application de la loi Leonetti. Laurent Fabius (PS) aurait déjà présenté une proposition de loi instaurant "une aide active à mourir sous assistance médicale et étroitement encadrée".

Rachida Dati, ministre de la Justice, a estimé que la loi Leonetti avait "besoin aussi d’être évaluée pour voir les adaptations nécessaires pour les cas à prendre en compte". La semaine dernière, elle s’était opposée à une légalisation de l’euthanasie : "Nous avons fondé notre droit, et aussi bien la Convention européenne des droits de l’homme, sur le droit à la vie", avait-elle expliqué.

Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, a, elle, insisté sur le fait que la loi Leonetti "est encore trop mal connue" et "n’est donc pas appliquée". "L’euthanasie active, c’est demander à un médecin de vous administrer cette mort alors qu’il a pour vocation de soigner, de sauver des vies", a-t-elle prévenu.

Président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP) a, lui aussi, appelé à ne pas "légiférer dans la précipitation".

Face à ce déferlement médiatique et à l’émotion provoquée par le cas de Madame Sébire, les évêques "appellent à la raison", dénonçant l’utilisation de la souffrance d’autrui. "Une société ne peut décider qui doit vivre et qui doit mourir et si telle vie vaut la peine d’être vécue", répète Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon. Rappelant le code de déontologie médical, selon lequel "le médecin n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort", il explique que "l’acceptation légale du meurtre volontaire d’un malade de la part des médecins et de la société ferait vaciller les principes fondamentaux sur lesquels sont fondés le vivre ensemble et le respect de chacun".

Aujourd’hui, les circonstances de la mort de Chantal Sébire ne sont toujours pas connues, mais, selon Le Figaro, une autopsie aurait été pratiquée ; autopsie contre laquelle s’est insurgée l’avocat de la patiente, Me Gilles Antonowicz, qui est aussi le responsable de la commission juridique de l’ADMD. "Il n’y a pas de cause spécifique pouvant expliquer le décès", a déclaré aujourd’hui en fin de matinée le procureur de la République de Dijon, Jean-Pierre Alacchi.

Ajoutons enfin que, juste avant sa mort, le médecin de Chantal Sébire, le Dr Emmanuel Debost, était reçu à l’Elysée qui avait proposé qu’un nouvel avis médical soit donné sur ce cas "par un collège de professionnels de la santé du plus haut niveau". Le Monde rapporte que "ces spécialistes ne cachent pas leur très vif étonnement au vu de l’absence, durant six ans, de prise en charge médicale adaptée de la malade". Selon eux, "la maladie dont souffrait Mme Sébire (un esthésioneuroblastome ou neuroblastome olfactif) ne peut être qualifiée d’incurable, notamment si elle est traitée de façon précoce. Les taux de survie sont de l’ordre de 70% cinq ans après une intervention, quand les troubles sont pris en charge assez tôt".

La Croix (Marine Lamoureux) 21/03/08 – Nouvel Obs.com 21/03/08 – Le Figaro (Angélique Négroni, Claire Bommelaer, Charles Jaigu, Agnès Leclair) 21/03/08 – Le Quotidien du Médecin (Dr Lydia Archimède, Audrey Bussière) 21/03/08 – Le Monde (Jean-Yves Nau, Cécile Prieur, Jean-Pierre Stroobants) 21/03/08 – Libération (Marion Duquesne, Jules Le Goff, Dider Arnaud, Fabrice Tassel, Céline Béal, Charlotte Rotman, Lola Isidro) 21/03/08 – Nouvel Obs.com 20&21/03/08 – www.diocese-frejus-toulon.com (Mgr Dominique Rey) 20/03/08 – La Libre.be (Bernard Delattre) 21/03/08 – Le Figaro (A.N.) 22/03/08 – Le Monde (Jean-Yves Nau et Alain Salles) 22/03/08 – Le Figaro (Dominique Rey) 24/03/08

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