Des études récentes tendent à montrer qu’il est fréquent d’observer, à un stade de développement précoce, des cellules présentant un nombre anomal de chromosomes chez l’embryon humain, sans conséquences sur sa viabilité. Une étude fait ce constat dès les gamètes.
La méiose, le mécanisme à l’origine de la production des gamètes, ne se passe pas toujours comme prévu, loin s’en faut. C’est ce qu’ont montré des chercheurs américains de la Washington State University dans une recherche publiée le 10 décembre dans l’American Journal of Human Genetics[1]. En effet, « plus de 7 % des ovocytes humains contiennent au moins une paire de chromosomes sans échange, ce qui démontre un niveau remarquablement élevé d’échec de la recombinaison méiotique », estiment les scientifiques. Ainsi, dès le début du développement des ovules humains, « une proportion frappante d’ovocytes est prédestinée à être chromosomiquement anormale », avec une fréquence qui par ailleurs n’est pas affectée par l’âge maternel.
Les anomalies chromosomiques, une étape du développement ?
Des résultats surprenants lorsque l’on sait que des « anomalies chromosomiques » sont identifiées bien moins souvent au cours des processus de dépistage puis de diagnostic. C’est le cas chez environ 0,6% des femmes enceintes qui s’y soumettent[2]. De la fusion des gamètes jusqu’à la naissance d’un enfant, l’histoire n’est pas linéaire.
Différentes études s’accordent à constater que l’aneuploïdie, autrement dit la présence de cellules présentant un nombre anormal de chromosomes, est un phénomène assez banal. Lorsque des cellules aneuploïdes cohabitent avec des cellules au génotype normal, euploïdes, on parle de mosaïcisme. En 2019, une étude publiée par le consortium STAR visant à évaluer le diagnostic préimplantatoire pour les aneuploïdies, indique que 17% de tous les blastocystes analysés, c’est-à-dire des embryons humains ayant atteint le 5e jour de leur développement, présentent un mosaïcisme[3]. Selon les évaluateurs de l’étude, il se « pourrait » même que le mosaïcisme « soit une caractéristique normale du développement embryonnaire précoce ». Une hypothèse qui semble corroborée par les résultats d’une autre étude, menée par des chercheurs de l’université Johns Hopkins et publiée dans la revue Genome Research en 2020[4]. Dans cette recherche qui a porté sur 74 embryons à des phases de « développement précoce », 80 % des embryons étudiés contenaient au moins une cellule aneuploïde, tous types de cellules et stades de développement confondus.
Une faculté surprenante d’auto-réparation
Mais le mosaïcisme de l’embryon ne conduit pas nécessairement à la naissance d’un enfant porteur d’une « anomalie » génétique. En effet, plus de 500 études sur le mosaïcisme indiquent que les enfants nés après l’implantation d’un embryon « mosaïque » présentent des caryotypes normaux[5]. Un phénomène d’« autocorrection » qui a déjà été observé chez la souris[6].
Au vu de ces recherches, le diagnostic préimplantatoire se désintéressera-t-il du nombre de chromosomes ? Il est permis de l’espérer.
[1] Failure to recombine is a common feature of human oogenesis, Terry Hassold et al. https://doi.org/10.1016/j.ajhg.2020.11.010
[2] Gènéthique, Trisomie 21 : des chiffres têtus
[3] Gènéthique, Le mosaïcisme dévoile les failles du diagnostic préimplantatoire
[4] Gènéthique, Avoir des cellules aneuploïdes : un état fréquent chez l’embryon en phase précoce
[5] Gènéthique, Le mosaïcisme dévoile les failles du diagnostic préimplantatoire
[6] Gènéthique, Des chercheurs observent l’ « auto-réparation » des embryons de souris
Cet article de la rédaction Gènéthique a été initialement publié sur Aleteia sous le titre : Avons-nous tous été trisomiques sans le savoir ?