Audition de Jean-François Delfraissy : pour un CCNE « en mouvement »

11 Mai, 2023

Proposé une nouvelle fois par le président de la République au poste de la présidence du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), le Pr Jean-François Delfraissy a été auditionné le 10 mai, au Sénat puis à l’Assemblée nationale (cf. CCNE : Jean-François Delfraissy en route vers un 4e mandat). Nommé à la tête du comité en 2016 (cf. Le Pr Jean-François Delfraissy nommé président du Comité consultatif national d’éthique), son mandat a ensuite été renouvelé en 2019 (cf. Jean-François Delfraissy reconduit à la présidence du CCNE) puis en 2021 (cf. Jean-François Delfraissy reconduit à la tête du CCNE).

Un CCNE « en mouvement »

Au cours de ces deux auditions, Il a exposé sa vision pour l’avenir du CCNE en présentant notamment deux sujets. Sur le thème « santé et environnement » un groupe de travail est en train d’être créé. Quant au second sujet, relatif au numérique et à l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé, un comité d’éthique du numérique devrait aussi être fondé. L’annonce avait été faite par Emmanuel Macron lors de la cérémonie d’anniversaire des 40 ans du CCNE (cf. 1983-2023 : Les « 40 glorieuses » du CCNE ?).

Soulignant qu’il n’ira certainement pas au terme du mandat de 2 fois 3 ans, Jean-François Delfraissy expose toutefois son désir d’aller au bout de ces deux nouvelles thématiques dont s’est saisi le CCNE. Il veut un CCNE « en mouvement », « ouvert sur les territoires » et « sur les jeunes » (cf. « Les jeunes », faux héros et vraies proies de notre époque). Des objectifs exposés tout en insistant sur le fait que « le CCNE est figé sur de grandes valeurs qui doivent être conservées » (cf. « Les principes éthiques sont variables dans le temps et l’espace. » Vraiment ?). Lesquelles ? Le candidat à sa propre succession ne le précise pas.

Le CCNE : un organisme indépendant ?

Jean-François Delfraissy affirme l’indépendance du CCNE par trois aspects, l’indépendance des médecins et des chercheurs qui le composent en partie, la possibilité de s’autosaisir de thématiques et « l’intelligence collective » de l’instance (cf. Jean-François Delfraissy à l’Assemblée nationale : Comment “construire une intelligence collective sur les sujets bioéthiques ?“). Il ajoute que le CCNE s’inscrit dans la démocratie participative, entre citoyens, expertises et décisions politiques (cf. Jean-François Delfraissy : les avis du CCNE ne sont pas « inscrits dans le marbre »).

Le professeur veut justifier la nécessité de travailler sur une « ligne de crête » entre d’un côté les « valeurs » à respecter et de l’autre l’évolution de la société (cf. Avis du CCNE : fonder les soins sur l’éthique). Se parant de l’opposition du CCNE à la pratique de la GPA ou la fabrication d’embryons en passant par des organoïdes (cf. Embryoïdes, blastoïdes, MEUS : des embryons créés pour la recherche). Pourtant Brigitte Micouleau, sénatrice LR, interroge : « l’aide active à mourir était une ligne rouge très claire définie par le CCNE : qu’en est-il aujourd’hui ? ». Une remarque reprise par la sénatrice Michelle Meunier (PS) puis le sénateur Bernard Jomier (EELV).

Fin de vie : la voie tracée par le CCNE

Le candidat est contraint de revenir sur le sujet. C’est à la suite de deux tentatives de proposition de lois sur la fin de vie que le CCNE a décidé de s’emparer du sujet en juin 2021 (cf. Le Comité consultatif national d’éthique renouvelé). Jean-François Delfraissy rappelle les « mots clés » de l’avis 139 qui sont « autonomie » et « solidarité », évoquant les différents points de cet avis (cf. Avis du CCNE : en marche vers l'”aide active à mourir” ?). « Est-ce que notre mort nous appartient ou est-ce qu’elle appartient à la société ? » s’interroge-t-il.

Le professeur rappelle que le CCNE a préconisé une évolution vers le suicide assisté (cf. Audition au Sénat : le président du CCNE justifie le suicide assisté). Ce qu’assume Jean-François Delfraissy : « Nous avons entrebâillé une porte avec des conditions éthiques vers le suicide assisté et non vers la notion d’euthanasie » indique-t-il, omettant de rappeler que l’avis appelle à également autoriser l’euthanasie pour les personnes qui ne pourraient pas s’administrer la substance létale. Au nom de l’égalité.

Mais « emprunter la voie de l’aide active à mourir sans avoir assuré un accès aux soins dignes et de proximité dans tous les territoires, c’est prendre le risque d’ébranler gravement les fondements humains, éthiques et anthropologiques de la société française », souligne le député Christophe Bentz (RN). « Il ne faut pas franchir la barrière de civilisation de l’euthanasie ou du suicide assisté » poursuit-il. « Comment envisager un débat apaisé alors que l’avis de Jean-François Delfraissy sur la fin de vie est tranché ? » interroge de son côté Emmanuel Taché de la Pagerie, député RN.

Le candidat à la présidence du CCNE indique que le comité ne prendra plus position sur la fin de vie, laissant la place au « temps démocratique de construction d’une loi ». Le CCNE est là « comme une boussole » estime Jean-François Delfraissy. En ayant introduit la Convention citoyenne, il avait en effet montré aux conventionnels la direction qu’on leur demandait de prendre (cf. Lancement de la convention citoyenne : beaucoup de questions, et d’inquiétudes).

Au terme de cette double audition, le Parlement a donné un avis favorable à la reconduction de Jean-François Delfraissy à la tête du CCNE.

Complément du 13/06/2023 : Le 9 juin, par décret du président de la République, Jean-François Delfraissy a été nommé président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, en renouvellement de son mandat.

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