Affaire Humbert : un non-lieu demandé

Publié le 3 Jan, 2006

Le procureur de Boulogne-sur-Mer, Gérald Lesigne, a requis, dans l’affaire de la mort de Vincent Humbert, un non-lieu général pour Marie Humbert et le docteur Frédéric Chaussoy. La mère était poursuivie pour délit "d’administration de substances chimiques" passible de cinq ans de prison et l’anesthésiste-réanimateur pour crime "d’empoisonnement avec préméditation" passible de la réclusion à perpétuité.

Le procureur fait valoir "les circonstances particulières" de cette affaire. "Au regard de la pression psychologique et médiatique à laquelle ont été confrontés sa mère et le médecin, on peut considérer qu’il y a une exonération" de la responsabilité pénale même si "les gestes qu’ils ont fait demeurent prohibés".

Le juge d’instruction, Anne Morvant, sera libre de suivre les réquisitions du procureur ou de renvoyer Marie Humbert en correctionnelle et le Dr Chaussoy devant les assises.

Rappelons que Vincent Humbert était devenu aveugle et paraplégique suite à un accident de voiture. Marie Humbert lui avait injecté une dose de barbituriques qui l’a plongé dans le coma. Le Dr Chaussoy avait alors décidé de débrancher le respirateur artificiel du jeune homme puis de lui administrer un produit létal, du chlorure de potassium, entraînant son décès par arrêt cardiaque.

Cette affaire avait été très largement médiatisée et avait suscité un long débat à l’origine d’une nouvelle loi sur "l’accompagnement en fin de vie" adoptée le 22 avril 2005 au parlement et instituant un droit à "laisser mourir".

Marie Humbert espérait se servir du procès comme d’une tribune "pour que tout le monde se rende compte qu’il faut changer la loi" sur l’euthanasie. Pour les mêmes raisons, Jean-Luc Roméro, élu UMP et vice-président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, regrette ce non-lieu.

Pour Dominique Quinio, de La Croix, "c’est sans doute pour éviter le tohu-bohu médiatique et la relance d’un débat difficile, que le procureur prend aujourd’hui cette option". Pour autant elle se dit surprise de cette décision qu’elle considère "comme une brèche dans l’interdit de l’euthanasie".

Pour Jean Leonetti, député UMP rapporteur de la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, "le procureur de Boulogne-sur-Mer a pris une décision humaine, qui conduit à l’apaisement". "C’est un non-lieu, non pas sur les faits, mais sur les circonstances qui ont abouti à ces faits". Cette affaire relève, selon lui, de "l’exception d’euthanasie" définie par le Comité consultatif national d’éthique.

Remarquons le témoignage dans le journal La Croix de Maryannick Pavageau, "la doyenne des malades atteintes du syndrome qu’a connu Vincent Humbert". Elle regrette que cette affaire n’ait pas été "présentée dans sa vérité". Elle explique que Vincent était "beaucoup moins atteint qu’on l’a dit puisqu’il pouvait s’exprimer", d’autres souffrent beaucoup plus. Elle raconte sa vie de mère de famille "normale" : "ma fille n’a pas été traumatisée par ce que j’ai vécu". Sans sous-estimer la souffrance de Vincent, elle considère "cette demande de non-lieu parfaitement aberrante". S’il est prononcé "ce sera pour moi une nouvelle souffrance".

La Croix (Marianne Gomez, Marie-Françoise Masson, Pierre Bienvault, Louis de Courcy) 03/01/06 – Le Figaro (Cyrille Louis) 03/01/06 – Libération (Eric Favereau, Haydée Sabéran) 03/01/06 – Le Monde (Sandrine Blanchard) 03/01/06

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