Olivier Rey : « Le transfert de l’intelligence des hommes aux machines est en cours »

Publié le 23 Nov, 2023

« Voici donc, en résumé, la situation », diagnostique le philosophe Olivier Rey dans une tribune publiée par le magazine Causeur. « D’un côté, Charybde : la perspective de se voir écraser par ceux qui nous auraient distancés dans la course technologique. C’est le risque externe. De l’autre côté, Scylla : la perspective d’un évidement des hommes, au fur et à mesure que la technologie atrophie les facultés naturelles en marginalisant leur exercice et en s’y substituant. C’est le risque interne ».

Une baisse des facultés physiques et intellectuelles des hommes

Cette atrophie « n’a rien d’un fantasme », assure le philosophe. En effet, « d’après une étude relayée par la Fédération française de cardiologie, les capacités physiques moyennes des adolescents ont décru d’un quart en quarante ans ». En parallèle, « le QI moyen dans les pays occidentaux baisse depuis vingt ans ».

Ainsi, « le transfert de l’intelligence des hommes aux machines est en cours – jusqu’au point où il sera difficile de trouver assez d’humains pourvus de suffisamment d’intelligence pour concevoir lesdites machines », alerte Olivier Rey.

Limiter le recours à l’IA

Entre recherche de puissance et risque de « régression », la solution serait de « réserver le recours aux technologies les plus sophistiquées, et en particulier l’intelligence artificielle, aux seuls enjeux de puissance, et de préserver de leur emprise le reste des activités humaines », préconise le philosophe.

Pourtant, « pareille solution se révèle impraticable », juge-t-il, en raison des investissements nécessaires, « colossaux ». Dès lors, « seule une diffusion sur de larges marchés est à même de permettre le[ur] financement ».

Préserver la jeunesse

Si l’« emprise technologique » ne peut être encadrée, « au moins pourrait-on veiller à ce que la jeunesse y soit le moins possible exposée, le temps qu’enfants et adolescents développent pleinement leurs facultés, grâce auxquelles ils seraient en mesure de faire ensuite un usage intelligent des ressources que la technologie met à notre disposition », interpelle Olivier Rey. C’est ce que fait d’ailleurs la Chine, en limitant l’usage du réseau TikTok à l’intérieur de ses frontières, tout en le diffusant « libéralement » à l’extérieur. « Parmi les ressources qui s’épuisent figurent, en bonne place, les ressources intellectuelles », prévient le philosophe.

Un futur incertain

Si la trajectoire de développement de l’intelligence artificielle venait, « non seulement à s’infléchir, mais à se briser », « il est clair que les moins avancés dans le devenir-amibe se trouveraient subitement posséder un avantage considérable », pronostique Olivier Rey, percevant « divers indices, d’ordre matériel, économique, humain » qui font « douter de la pérennité » des tendances actuelles.

Dans le cas contraire, si « le salut en ce monde passait par un abandon total à l’artificiel », « resterait que le premier devoir d’un homme n’est pas de gagner, mais de mener une vie humaine ». « Perdre avec dignité ».

 

Source : Causeur, Olivier Rey (21/11/2023)

Partager cet article

Synthèses de presse

Parkinson : premiers résultats d’une thérapie cellulaire à base de CSEh

Parkinson : premiers résultats d’une thérapie cellulaire à base de CSEh

Atteint de la maladie de Parkinson depuis l’âge de 42 ans, un Suédois a retrouvé l’odorat et une pratique sportive ...
candle-2905395_960_720
/ Don d'organes

Le premier patient ayant reçu un rein de porc est décédé

Dans un communiqué daté du 11 mai, le Massachusetts General Hospital a annoncé le décès du premier patient auquel on ...
Enfant
/ Génome

Thérapie génique : une petite fille retrouve l’ouïe et apprend à parler

Une thérapie génique a permis de restaurer l’ouïe chez une petite fille sourde âgée de 18 mois. Elle est la ...

Textes officiels

Fiches Pratiques

Bibliographie

Lettres