Jusqu’où accepter la dépendance aux GAFAM ?

Publié le 15 Avr, 2020

La crise du Coronavirus souligne notre dépendance toujours plus grande aux tech companies. En quelques semaines, elles « se sont rendues incontournables dans chaque aspect de nos vies confinée ». Avec le télétravail, l’école à distance, « la communication avec nos proches, l’accès à l’information et au divertissement, les achats en ligne, la livraison et même les téléconsultations médicales », les GAFAM « ont encore resserré leur emprise ». Notre dépendance à « leur quincaillerie technologique » fait de nous leurs « otages consentants ».

 

Et cette crise sanitaire est une « double occasion de triomphe pour les tech companies ». La gestion du Covid-19 révèle que les Etats ont abandonné leur vocation primordiale « à garantir la sécurité et la santé physique de leurs concitoyens » pour devenir « des acteurs économiques entièrement préoccupés de réduire les coûts du travail, d’autoriser ou encourager la délocalisation de la production (notamment pharmaceutique), de déréguler les activités bancaires et financières et de subvenir aux besoins des entreprises ». Cet abandon a entrainé « une érosion extraordinaire du secteur public ». Ces «  espaces laissés béants par nos États séduits par les sirènes de l’ultralibéralisme » ont été investis par les tech companies, leur attribuant de facto «  une part de ce biopouvoir laissé vacant ».

 

Production et distribution de kits de dépistage et de masques à grande échelle, dons financiers aux banques alimentaires américaines, investissement dans des fonds de recherche spécial Covid-19, traçage des malades… autant d’initiatives menées par les géants Google, Apple, Amazon, Tweeter, Palantir, Alibaba… ou leurs dirigeants. Ces « tech milliardaires en quête de sauvetage de l’humanité » ont fait «  main basse sur la santé ». Une « philanthropie » qui « a tout du cheval de Troie ».

 

Pour ne parler que du tracing, des sociétés proposent de mettre gratuitement à disposition des Etats l’algorithme qu’elles commercialisent pour « tracer la diffusion du virus ». L’objectif mis en avant est de « lutter contre les pénuries de personnel, de respirateurs et de médicaments, en proposant une répartition optimale » entre les hôpitaux. Mais « avec les dealers de big data, ce qui est gratuit a toujours un coût caché ». Il parait périlleux pour le respect de la vie privée et de la gouvernance des données de confier notre sauvetage à des entreprises « dont le business repose sur nos données personnelles » et qui « s’arrogent bien des libertés avec le règlement général sur la protection des données ». Reconnaître que nous avons besoin de ces tech companies en cette période de crise ne doit pas nous empêcher de nous interroger. Plutôt que d’accepter que les tech companies « transforment nos smartphones en bracelet électronique », les Etats ne devraient-ils pas consacrer leur énergie et leurs finances à développer leurs propres outils High Tech, dans le respect de leur « souveraineté et de l’éthique en matière de gouvernance des données » ?

 

Enfin, on sait que les GAFAM « ont profité de la concurrence fiscale pour échapper à l’impôt ». Elles portent donc leur part de responsabilité dans la détérioration des « services publics, notamment ceux mobilisés dans cette crise sanitaire». Nous devrions cesser de « demander aux incendiaires du système d’en être les pompiers ».

 

Pour aller plus loin :

Les applications de santé : entre menaces pour la vie privée et risques de discrimination

Big Data : adieu la vie privée ?

Données de santé : entre respect de la vie privée et veille de santé publique ?

Intelligence artificielle et médecine : un vrai progrès ?

Intelligence artificielle et médecine, le miroir aux alouettes ?

 

Loïc Hecht, Slate (15/04/2020)

 

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