Euthanasie au Québec : une consultation avant de l’élargir aux personnes atteintes de maladie mentale ?

Publié le 28 Jan, 2020

La ministre de la Santé du Québec, Danielle McCann, « est revenue sur sa décision d’élargir l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale dès le 12 mars prochain ». Une décision en attente des résultats de la « consultation élargie, complète qui doit être menée ».

Cette disposition était annoncée dans le cadre de l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir (cf. Canada : l’aide à mourir toujours plus accessible) suite au « jugement ayant donné raison à Nicole Gladu et à Jean Truchon », ceux-ci ayant eu gain de cause auprès de la Cour supérieure (cf. Québec : une décision de justice élargit l’aide médicale à mourir). « L’aide médicale à mourir devait être ouverte aux personnes qui ne sont pas en ″fin de vie″ ». La portion de la loi québécoise relative au critère de « fin de vie » a été jugée « inconstitutionnelle » et deviendra inopérante le 12 mars. En effet, rendu à l’automne, le jugement de la Cour supérieur « donnait six mois à Québec et Ottawa pour modifier leur loi ».

Toutefois, pour l’avocat Jean-Pierre Ménard, « les individus souffrant de maladie mentale pourront demander l’aide médicale à mourir pourvu qu’ils remplissent les critères de la Loi sur les soins de fin de vie », à savoir être atteint « d’une maladie grave, incurable », éprouver « des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et ne pouvant être apaisées dans des conditions jugées tolérables ». Et ce « même si elles ne sont pas en fin de vie ». Et que le patient « ait des antécédents psychiatriques ou non » pourvu que la personne soit « apte à consentir à l’aide médicale à mourir » selon l’avocat. « Nous prenons une pause essentiellement pour les personnes qui ont un problème de santé mentale sévère et persistant », a déclaré la ministre.

Les médecins, à travers la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) et la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), « ont accueilli favorablement la tenue d’un débat de société sur la possibilité d’élargir l’accès à l’aide médicale à mourir ». Pour Diane Francoeur, présidente de la FMSQ, « le débat n’appartient pas aux médecins ». Et quand un sondage paru récemment indique que 64% d’entre eux « croient que l’accès à l’aide médicale à mourir doit être ″plus facile″ », l’élue péquiste Véronique Hivon s’interroge sur le fait qu’ « un grand nombre de médecins prône un plus grand accès à l’aide médicale à mourir alors qu’un ″nombre infime″ accepte de l’administrer ». Selon les résultats du sondage, « 52 % se disent en faveur de l’aide médicale à mourir, mais disent ne pas vouloir en faire personnellement ». 43 % des répondants estiment qu’ « ils seraient capables de procéder à l’aide médicale à mourir avec un de leurs patients », mais 42 % disent qu’ils auraient besoin d’ « aide psychologique » ensuite. Et pour ce qui est des personnes atteintes de maladies mentales, plusieurs médecins manifestent « un réel inconfort ». Le docteur Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins, juge que la « barrière humaine la plus forte, c’est de causer la mort à quelqu’un qui ne sait pas ce qu’on lui fait ». Actuellement, « seulement 3 % des médecins du Québec procèdent à l’aide médicale à mourir ».

La ministre Danielle McMann s’est « aussi engagée publiquement à travailler très fort afin que la législation fédérale et québécoise soient harmonisées dans le futur ». La conséquence probable : que sa réflexion sur des questions comme l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale soit « grandement influencée par celle du gouvernement canadien ».

En 2019, 1589 demandes d’aide médicale à mourir ont été déposées au Québec, un chiffre qui a plus que triplé par rapport à l’année 2016.

Pour aller plus loin :

Aide médicale à mourir au Québec : fournir aux personnes handicapées « une sortie de secours dorée n’est absolument pas de nature à les aider »

Québec: le nombre d’aide médicale à mourir a doublé cette année

Aide médicale à mourir : « un nihilisme ayant en plus le culot de se présenter comme l’ultime accomplissement de la démocratie et de l’humanisme »

Canada : Une maison de repos pour personnes en fin de vie sanctionnée faute de ne pas proposer l’euthanasie

Aide à mourir au Canada : après 8 mois de prison pour avoir étouffé sa femme, il obtient sa libération conditionnelle

Le Devoir, Marco Bélair-Cirino (28/01/2020) – La Presse, Karine Millaire (27/01/2020), Ariane Lacoursière (27/01/2020)

 

Partager cet article

Synthèses de presse

Fin de vie : « Le Canada a fait des personnes handicapées une catégorie de personnes pouvant être tuées »
/ Fin de vie

Fin de vie : « Le Canada a fait des personnes handicapées une catégorie de personnes pouvant être tuées »

Au Canada, des personnes handicapées réclament des « safe zones » exemptes d’euthanasie en raison du « validisme » ambiant ...
Une proposition de résolution visant à constitutionnaliser l’interdiction de la GPA
/ PMA-GPA

Une proposition de résolution visant à constitutionnaliser l’interdiction de la GPA

« Il est important de réagir vu les déclarations très graves de plusieurs ministres qui demandent une ouverture du débat ...
17_trisomie21
/ Dépistage prénatal, IVG-IMG

Dépistage prénatal en Suède : l’ONU dénonce un risque d’eugénisme

Dans son rapport, déposé en mars 2024, le Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU considère que la pratique du ...

Textes officiels

Fiches Pratiques

Bibliographie

Lettres