En Italie, le suicide assisté au cœur de sombres controverses

Publié le 14 Fév, 2022

Le Parlement italien doit voter ce mois ci sur une proposition de loi visant à dépénaliser le suicide assisté. Un débat qui intervient alors que les pressions s’accumulent, et que deux membres de l’Académie pontificale pour la vie sèment le trouble. Jean-Marie Le Méné réagit à ces actualités dans une tribune pour le Figaro.

Sous pression, le Parlement italien débat du suicide assisté

Interdit par la loi, cet acte y est puni de 5 à 12 ans de prison. Mais ces dernières années, plusieurs pressions s’exercent sur le Parlement pour revenir sur cet interdit.

En premier lieu, une décision de la Cour constitutionnelle : saisie en 2017 au motif que la pénalisation de l’aide au suicide était contraire au droit à l’autodétermination, la Cour avait, en 2018, donné au Parlement un délai d’un an pour légiférer sur la question. Arrivé à échéance, aucun débat n’ayant eu lieu, la Cour avait alors rendu un arrêt en 2019, dans lequel elle posait les conditions de la dépénalisation du suicide assisté (cf. Italie : la Cour constitutionnelle estime licite l’euthanasie alors que la loi la punit).

Par ailleurs, en fin d’été dernier, une pétition en faveur de la légalisation de l’euthanasie a atteint 750 000 signatures, dépassant le seuil des 500 000 indispensables pour l’organisation d’un référendum. Ce dernier doit avoir lieu en 2022 (cf. Le débat sur l’euthanasie de retour en Italie).

Enfin en novembre, un comité d’éthique a autorisé un premier cas de suicide assisté ; une décision largement médiatisée (cf. En Italie, un comité d’éthique autorise un premier cas de suicide assisté.)

Dans ce contexte, les parlementaires ont débuté mi-décembre l’examen d’une proposition de loi visant à dépénaliser le suicide assisté (cf. Italie : le suicide assisté devant le Parlement). Le vote doit avoir lieu ce mois-ci.

Le suicide assisté, mauvaise solution

En Allemagne et en Autriche, des procédures similaires ont abouti à la dépénalisation du suicide assisté : un recours introduit par l’association suisse Dignitas se conclut par un arrêt de la Cour constitutionnelle en faveur du suicide assisté. Le Parlement est alors sommé de légiférer sous peine de laisser un « vide juridique » une fois le délai fixé par la Cour écoulé.

Mais l’autodétermination invoquée justifie-t-elle la légalisation du suicide assisté ? (cf. GPA, don d’organes, suicide… Est-ce que mon corps m’appartient ?) « On pense, du moins du côté du parti euthanasique, que ce qui est donné aux uns restera confiné, ne concernera que ceux qui souhaitent bénéficier de ce doit à ‘mourir dans la dignité’. Les autres resteront à l’écart. Les autres ne seront pas concernés. Là est, je crois, une erreur de taille qui ne tient pas compte d’une loi profonde des sociétés, surtout si elles sont anomiques, la loi des sourdes injonctions morales du groupe qui vient faire pression sur tout un chacun et ce avec une douceur puissante », analyse Damien Le Guay dans son essai Quand l’euthanasie sera là… (paru aux éditions Salvator). Par ailleurs, « cette primauté politique de la volonté, cette souveraineté de ma seule décision de moi sur moi, me contraint plus qu’elle ne me libère. Une nouvelle morale s’instaure : celle de l’abnégation sociale, de ma mort au profit du collectif. (…) Vais-je être égoïste jusqu’à continuer, au-delà du raisonnable, à coûter cher, à creuser les déficits, à être à la charge des autres ou, au contraire, retenu par rien d’autre que ma volonté ? C’est cette logique de la décision, d’une mort qui se décide, qui nous fera passer, j’en suis sûr, d’une décision individuelle, dont je n’ai pas à rendre compte, à une décision partagée avec des éléments plus ou moins objectifs et, pour finir, stade ultime, à une décision décidée, pour ne pas dire imposée, par le Système hospitalo-assurantiel ».

Un tournant stratégique ?

Lors de l’audience générale du 9 février, le Pape François a dénoncé clairement euthanasie et suicide assisté (cf. Pape François : « La vie est un droit, non la mort »). Alors que quelques jours plus tôt, deux membres de l’Académie pontificale pour la vie avaient « semé le trouble » dans deux articles de presse distincts. Tous deux estiment que légaliser le suicide assisté pourrait être un moyen de faire obstacle à la légalisation de l’euthanasie. Faut-il pour autant conclure à un « tournant stratégique du Vatican sur la bioéthique » ?

Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune et membre de l’Académie pontificale pour la vie, réagit dans le Figaro : « l’académie [pontificale pour la vie] ne saurait par définition soutenir des propositions contraires au magistère de l’Église dans un domaine où – de surcroît – elle ne fait que transmettre une sagesse millénaire. En effet, le respect de la vie humaine repris par l’Église est une règle d’or très largement antérieure à la Révélation chrétienne. Le commandement négatif de ne pas tuer remonte au Décalogue pour les croyants. Il existe aussi pour les non-croyants. Que l’on songe par exemple au serment d’Hippocrate (- 400 ans av. J.-C.). Ne pas tuer son semblable fait partie des lois non écrites mais inscrites au cœur de l’homme. Pas plus l’académie que l’Église catholique n’ont le moindre pouvoir sur cet interdit fondateur ».

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