Bébés OGM : une mutation qui pourrait « avoir de graves inconvénients »

Publié le 13 Déc, 2018

Fin novembre, He Jiankui annonçait avoir fait naitre des jumelles génétiquement modifiées, dans le but de les rendre résistantes au VIH (cf. Chine : naissance de deux bébés génétiquement modifiés). La modification génétique portait sur le gène CCR5, qui fait l’objet de recherches depuis le milieu des années 90 : il joue un rôle bien plus large que les scientifiques commencent tout juste à comprendre. Les manipulations effectuées par le chercheur chinois pourraient par conséquent avoir des implications bien plus vastes et dramatiques.

La mutation du gène CCR5-Δ32, si elle protège d’une infection par le VIH, augmente notamment le risque de réaction grave ou fatale à d’autres maladies infectieuses comme le virus du Nil, la dengue, la fièvre jaune et même la grippe. Il est aussi démontré chez la souris que le gène CCR5 joue un rôle dans l’apprentissage, ou encore chez l’homme dans certaines maladies chroniques. « Une déficience en CCR5 n’est pas bénigne », commente Philip Murphy, immunologiste dans le Maryland. «L’absence de CCR5 peut avoir de graves inconvénients », explique pour sa part Marcus Kaul, immunologiste en Californie, citant par exemple une réaction sévère au vaccin contre la fièvre jaune.

Le gène CCR5 code une protéine exprimée en surface de certaines cellules immunitaires que le VIH exploite pour entrer dans ces cellules. Une mutation de ce gène identifiée en 1996 contre cet effet et rend le porteur résistant au VIH. Si He Jiankui avait l’intention de doter les jumelles de cette mutation, ses données présentées lors du sommet sur l’édition du génome à Hong Kong montrent un autre résultat : il semble avoir produit trois mutations différentes, et si l’une des fillettes présentent les deux copies du gène désactivées, l’autre n’en a qu’une. En outre, les formulaires de consentement signés par les parents des jumelles ne mentionnaient aucune des conséquences citées plus haut.

D’un autre côté, des études montrent un effet positif de la mutation de CCR5 chez la souris, qui aurait amélioré leur cognition. Si certains scientifiques pensent que les fillettes apprendront plus vite, d’autres tempèrent rappelant que des milliers de gènes contribuent à l’intelligence chez l’homme, et qu’il pourrait même se produire l’effet inverse.

Des effets imprévisibles, mais des conséquences probablement bien plus vastes que celles établies jusque-là. « Ce que nous savons aujourd’hui n’est peut-être que la partie émergée de l’iceberg », commente Philip Murphy.

 

Pour aller plus loin :

Nature, David Cyranoski (12/12/2018)

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