Conférence de La Haye : encadrer une pratique contraire au droit international ?

Publié le 6 Fév, 2018

La Conférence de La Haye se tiendra du 6 au 9 février prochain. Le groupe d’experts de la Conférence de droit international privé va travailler sur le projet législatif de la GPA, afin de réguler les contrats transnationaux. Mais la GPA repose sur des piliers qui portent atteinte à de nombreux droits de l’homme déjà codifiés dans le droit international. La philosophe Sophia Kuby[1] s’interroge sur les incohérences du projet.

 

La plupart des pays d’Europe ont interdit la GPA (France, Allemagne, Autriche, Espagne) ou autorisé la GPA altruiste gratuite (Royaume-Uni, Pays-Bas). Les GPA transnationales se basent donc sur des contrats illégaux dans au moins l’un des deux pays. Même si les contrats de GPA sont issus du désir légitime des couples, les difficultés engendrées sont nombreuses. Agences, cliniques, avocats, médecins, femmes rémunérées, parents commanditaires… « Le marché mondial de la gestation pour autrui (GPA) rapporte environ 5 milliards de dollars américains par an ».

 

La difficulté principale réside dans l’identification des parents, variable selon les législations. Il peut y avoir jusqu’à six adultes impliqués dans la conception de l’enfant : les parents génétiques (donneuse d’ovocyte et donneur de sperme), les parents biologiques (la mère porteuse et son mari) et le couple revendiquant la parentalité légale (les commanditaires). « La pratique de la GPA porte atteinte de manière évidente aux droits de l’enfant reconnus dans de nombreux traités internationaux, comme celui de naître et de grandir avec sa famille biologique, son droit au regroupement familial, son droit d’entretenir une relation avec ses deux parents et son droit de ne pas être soumis au commerce et à la traite humaine », explique Sophia Kuby.

 

Actuellement, le « droit à l’enfant » n’existe nulle part, et toute approche présupposant ce droit serait difficilement conciliable avec le droit international. Pour respecter les Droits de l’Homme, « une convention internationale doit protéger les êtres humains vulnérables afin qu’ils ne soient pas l’objet de contrats ou le produit de transaction commerciale », insiste-t-elle.

 

Cette convention pourrait être respectueuse de la dignité humaine si elle s’appuyait sur quatre points :

1) Condamner toute forme de GPA (rémunérée ou non),

2) Reconnaître le droit d’un état à refuser la reconnaissance d’actes juridiques de GPA,

3) Demander aux états de passer par l’adoption en cas de demande de reconnaissance de parentalité par GPA,

4) Prévoir de lourdes pénalités pour les états facilitant la GPA internationale.

 

Conformément à la jurisprudence italienne (affaire Campanelli[2]), « au lieu de reconnaître la parentalité des ‘parents d’intention’ », les procédures d’adoption bien établies en droit international semblent être « la solution la plus adéquate pour secourir l’enfant conçu dans le cadre de contrats illégaux de GPA », estime la philosophe. Quand la GPA prive l’enfant de ses véritables parents, le but de l’adoption est d’offrir une famille à un enfant dans une situation d’abandon déjà existante, c’est l’intérêt de l’enfant qui prime sur le désir des adultes.

 

« Nous ne devrions pas tacitement ou explicitement cautionner une pratique dont les principales victimes sont des enfants vulnérables », conclut Sophia Kuby.

 

[1] Philosophe et directrice du bureau Union Européenne d’ADF International.

[2] GPA : Pas de droit à la vie familiale fondée sur l’achat d’un enfant

 

Le Figaro, Sophia Kuby (05/02/2018)

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