« On ne peut pas rendre le prélèvement d’organe obligatoire »

Publié le 24 Mar, 2015

Les députés PS Jean Louis Touraine et Michèle Delaunay ont proposé un amendement au projet de loi santé prévoyant de « renforcer le consentement présumé au don d’organe, en se passant de l’avis des proches du défunt ». Ainsi à partir du 1er janvier 2018, « seules les personnes qui se seront explicitement inscrite sur le registre national des refus seront exclues des prélèvements ». L’amendement sera débattu à l’Assemblée à partir du 31 mars.

 

La loi Cavaillet de 1976, actuellement en vigueur, impliquait déjà le « consentement présumé », « qui fait de chaque Français un donneur potentiel à moins qu’il ne se soit opposé à un don d’organes avant son décès ». Cette opposition peut être signalée par une inscription au registre national des refus (qui compte aujourd’hui environ 100 000 inscrits), ou « exprimée par la voix des proches du défunt qui sont systématiquement interrogés sur ses volontés ».La loi de 1994[1] prévoit en effet que le médecin doit « s’efforcer de recueillir auprès des proches l’opposition (…) éventuellement exprimée de son vivant par défunt ».  Avec ce nouvel amendement, adopté jeudi par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée, les familles ne seraient plus « consultées » mais simplement « informées » de l’opération.

 
Cet amendement soulève de nombreuses réactions. La juriste Frédérique Dreifuss Neitter[2] estime que cette proposition « transforme le don en obligation », elle induit un « changement de paradigme ». Tugdual Derville, porte parole d’Alliance VITA, note que cette évolution de la loi « enlève le sens du don ». Il ajoute : « On ne peut pas décréter le don d’organe automatique ». Pour Bruno Riou, médecin coordinateur des prélèvements d’organes et de tissu à la Pitié Salpêtrière, « c’est inapplicable et contre-productif », « on ne peut pas rendre le prélèvement d’organe obligatoire, car on n’ira jamais contre la volonté d’une famille totalement opposée ». Il souligne et regrette que pour l’élaboration de cet amendement «il n’y ait jamais eu de concertation avec ceux qui s’occupent des prélèvements ».

 

L’argument des auteurs de cet amendement est de « faire face à la pénurie d’organes ». Pourtant, les chiffres de l’Agence de Biomédecine montrent que « le taux de refus de prélèvement est passé de 9,6% en 1990 à 33,7% en 2012 ».

 

A son tour, la directrice de Renaloo, une association de patients concernés par la greffe de rein, réagit : « Il vaut mieux optimiser la phase d’accompagnement. Certaines personnes pourraient percevoir tout cela comme une appropriation des organes des défunts et le ressentir comme une violence. » Une réaction que partage Jean René Binet : « Cela peut s’avérer très violent pour les familles privées de leur droit de regard. »

 

[1] Loi de bioéthique n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l”assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal

[2] Spécialiste du droit de la santé et membre du CCNE.

 

Le Monde 25.03.2015 – Le Figaro 23.03.2015

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