“Comment faire pour que la France ne prenne pas de retard en matière de médecine régénérative?”

Publié le 21 Mar, 2013

 Dans un dossier spécial, l’hebdomadaire Valeurs Actuelles s’intéresse à la médecine régénérative, une pratique qui, selon André Choulika, président de France Biotech – une association qui réunit près de 150 entreprises de biotechnologies – “va complètement changer la médecine, mais aussi l’économie de la santé, et la société tout entière“. 

Au contraire de la pharmacopée classique qui “tente de guérir les organes malades à grand renfort de substances chimiques plus ou moins adaptées à leur objectif et plus ou moins porteuses d’effets secondaires“, la médecine régénérative consiste à réparer les organes “au plus intime, en remplaçant tout bonnement les cellules atteintes par des cellules saines” de la manière suivante: “des cellules prélevées le plus souvent sur le patient lui-même, ou bien sur un donneur compatible, sont sélectionnées et modifiées avant de lui être réinjectées. Elles vont ensuite se mettre au travail pour fabriquer du tissus et se transformer en un organe sain, ainsi renouvelé en partie ou en totalité“. De fait, la médecine régénérative est une médecine ciblée qui “rompt avec la politique des médicaments de masse développée jusqu’à présent“. 

 

Si “la France a été pionnière en thérapie cellulaire […] le développement industriel qui conduirait à une vraie médecine régénérative fait défaut“. Ainsi, en matière de médecine régénérative, André Choulika s’interroge : “comment faire pour que la France ne prenne pas de retard […]?”, car selon lui, ce risque est réel. Pour développer largement la médecine régénérative, il faut disposer d’une grande quantité de cellules souches capables de se différencier en tissus et organes. Concrètement, de nombreuses pathologies pourraient bénéficier de la médecine régénérative car “liées à la destruction ou à la dégénérescence de tissus“: l’infarctus du myocarde, l’insuffisance cardiaque ou encore la polyarthrite. De même, les maladies génétiques telles que Parkinson, Alzheimer, le diabète, pourraient en bénéficier. 

Si jusqu’au début des années 2000, certains chercheurs comptaient uniquement sur “les cellules souches embryonnaires [car] ‘multipotentes’ et [capables] à ce titre de se transformer en organes différenciés“, d’autres chercheurs ont radicalement changé la donne, notamment car la recherche sur les cellules souches embryonnaires pose des problèmes éthiques. Comment? “En apprenant à extraire des cellules souches adultes, dans le sang ou le cordon ombilical“. Puis, les généticiens John Gurdon et Shinya Yamanaka, tous deux prix Nobel de Médecine en 2012, ont montré que “des cellules adultes, déjà différenciées pouvaient retrouver leur multipotence de départ. Le moyen de développer l’équivalent ou presque des cellules embryonnaires“. (Cf Synthèse de presse Gènéthique du 8 octobre 2012)

A titre d’exemple,”quelque 90 millions de poches de sang sont transfusées chaque année dans le monde. Une ressources insuffisante, et mal répartie, alors même que les pathologies nécessitant des transfusions sont de plus en plus nombreuses“, précise la journaliste. Ainsi, “les globules rouges produits in-vitro pourraient au moins partiellement, pallier cette pénurie“. En France, le Pr Douay, avec le soutien de l’établissement Français du sang, produit “massivement pour la transfusion des globules rouges à partir de cellules souches adultes“. Et André Choulika explique que “dans dix ans, on ne voudra plus des globules rouges venus de donneurs anonymes! On préfèrera des tissus produits en laboratoire, plus sûrs, mieux maîtrisés. Dans certains pays émergents, qui n’ont pas la culture de la collecte, on passera directement  à la production industrielle de cellules“.  Et “le marché de la thérapie cellulaire a été évalué à 5 milliards de dollars en 2015” ajoute la journaliste. Il ne manque par conséquent, “que le développement industriel. […] Les acteurs du secteur restent surtout des PME, voire des start-up, et des hôpitaux“. Pour les dirigeants de France Biotech, “il faut que l’industrie pharmaceutique s’y mette pour que l’on passe des essais cliniques au stade médicament. Tant que l’on reste au stade artisanal, on ne fait pas de la démonstration de l’efficacité de la thérapie cellulaire. Et du coup, l’industrie pharmaceutique ne s’implique pas, ou pas assez. C’est un cercle vicieux!“. 

 

Pour André Choulika, “ce qui ne se fait pas ici se fera ailleurs, c’est tout simple. En Allemagne, en Grande-Bretagne, en Suisse… Et la France perdra le bénéfice de son avance alors que nous avons ouvert la voie avec le séquençage du génome humain“. Enfin, précise-t-il, “il nous faut une réglementation  bioéthique forte, oui. Mais elle doit aussi être stable et incitative: ne nous mettons tout de même pas des chaînes aux pieds!“. 

 

 Valeurs actuelles (Christine Murris) 21/03/2013

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