La vérité sur l’avortement aujourd’hui – Sabine Faivre

Publié le 31 Oct, 2006

Le nombre d’avortements ne cesse de croître en France, mais quel est l’impact psychologique de l’avortement auprès de toutes les personnes impliquées dans cette pratique ?

 

Enquête dans les hôpitaux

 

Pendant plusieurs mois, Sabine Faivre a mené une enquête au sein de l’hôpital ; elle a observé de façon « neutre » et écouté les personnes, de l’assistante sociale au médecin, des femmes et des couples concernés aux conseillers conjugaux et aux équipes d’infirmiers ; elle a ainsi retranscrit la réalité vécue aujourd’hui par chacun des acteurs (1).

 

Des acteurs isolés

 

Chacun est le maillon isolé d’une chaîne, sur laquelle il a souvent le sentiment de n’avoir aucune prise, et qui peut le contraindre à des choix qui transgressent sa liberté de conscience ; chacun tente aussi de se protéger à la mesure de ses moyens, le plus souvent en se blindant derrière un mur de silence et de mensonge pour ne pas reconnaître l’échec de la loi sur l’IVG. A tous les niveaux, les témoignages sont souvent poignants et si beaucoup de personnes ont le sentiment de bien faire, l’atmosphère générale qui règne est celle d’un lieu où le désespoir et la mort ont finalement le dernier mot ; certains médecins avouent « nous, on croit servir, alors qu’on enfonce », « l’IVG, ça peut bousiller complètement une femme (…) mais on n’a pas le choix »…

 

Quel accompagnement ?

 

L’enquête menée par Sabine Faivre montre surtout l’immense solitude et le manque d’information des femmes qui avortent : vouloir dissuader une femme d’avorter, ne serait-ce qu’en présentant les alternatives à l’avortement, les aides possibles… c’est courir le risque de tomber sous le coup d’une poursuite pénale. Si tout le monde sait intimement que « l’après IVG » sera douloureux, l’assistante sociale qui se risquerait à aborder le sujet, dans un but d’information, pourrait être accusée d’avoir voulu dissuader la femme, alors que ce défaut d’information est ressenti comme une entrave à la liberté de choisir. « Une femme enceinte en détresse qui hésite, c’est un peu comme un grain de sable risquant de gripper l’engrenage ; dans ces conditions, il vaut mieux ne pas perdre trop de temps », raconte une assistante sociale. Depuis que la loi a inscrit le délit d’entrave à l’IVG dans le code pénal, les acteurs sociaux savent qu’ils n’ont pas le droit d’intervenir. La difficulté s’accroît avec une disposition de la dernière loi : depuis le 4 juillet 2001, les femmes peuvent même venir avorter sans entretien préalable avec les assistantes sociales.

 

A la limite de la maltraitance

 

L’auteur raconte la souffrance de mineures qui ont avorté sous la contrainte et la pression de leur famille ou d’un tiers, alors qu’elles désiraient garder leur enfant ; depuis que l’incitation à l’avortement n’est plus un délit condamnable, comment distinguer l’incitation de la contrainte lorsqu’il s’agit d’une personne vulnérable et dépendante ?

 

Mensonge et tabou

 

A tous les niveaux, on rencontre un énorme mensonge :

– mensonge sur les raisons : les femmes avancent l’argument économique pour ne pas reconnaître qu’elles sont incapables de gérer leur sexualité et leur fécondité ;
– mensonge sur la réalité de l’acte : certaines équipes préfèrent l’IVG chirurgicale parce qu’elles voient la femme partir au bloc et revenir presque dans le même état ; elles n’ont rien vu, rien entendu, cela leur permet de gommer l’événement. « Les femmes qui vivent l’IVG sous RU 486 le vivent encore plus mal, parce qu’elles assistent à leur avortement en direct ; elles récupèrent elles-mêmes les débris de l’avortement » ;
– mensonge sur les conséquences : la souffrance liée à l’avortement est taboue, elle n’est pas reconnue dans notre société. Pourtant, les femmes qui consultent pour un suivi post-IVG savent que pour parvenir à dépasser leur souffrance et à se reconstruire, il leur faudra apprendre à nommer l’enfant perdu.

 

En résumé, l’IVG est vécue comme un drame totalement isolé : isolé en amont des alternatives qui pourraient permettre de l’éviter, et isolé en aval des propositions d’écoute et d’accompagnement qui pourraient permettre de le soigner. Tel qu’il est conçu, le dispositif ressemble à une sorte d’entonnoir dans lequel les individus n’ont d’autre choix que s’y engouffrer. Tous reconnaissent que l’échec contraceptif mène à coup sûr vers l’avortement. Devant l’urgence à agir, la solution ne serait-elle pas dans l’éducation à une sexualité responsable qui aurait l’avantage d’être au service des hommes, dont on parle peu, autant que des femmes ?

 

1. La vérité sur l’avortement aujourd’hui, Sabine Faivre, ed. Téqui, 2006

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