L’Instruction Dignitas personae, sur certaines questions de bioéthique

Publié le 31 Jan, 2009

Alors que la Conférence des évêques de France vient d’éditer “Bioéthique, propos pour un dialogue“, en vue de la révision de la loi de bioéthique, la Congrégation pour la doctrine de la Foi, au Vatican, a publié, en décembre 2008, une nouvelle Instruction, très attendue, sur les questions de procréation et de recherche biomédicale : Dignitas Personae. 21 ans après Donum Vitae (1987), si le principe fondateur de respect de la dignité de la personne n’a pas changé, la technique médicale a évolué et de nouvelles questions surgissent. En 37 articles, Dignitas Personae y répond.

 

Dans ce document, le “Magistère tient à encourager et à exprimer sa confiance envers ceux qui considèrent la science comme un précieux service pour le bien intégral de la vie et pour la dignité de chaque être humain” et explique qu’il est nécessaire de dire non à certaines pratiques pour soutenir la cause “des plus faibles et de ceux qui sont sans aucune défense” contre la tentation de l’eugénisme liée à une technique médicale qui permet aujourd’hui de trier, de choisir puis d’éliminer. Ce texte invite donc les hommes de bonne volonté, chrétiens ou non, à considérer que “derrière chaque “non” se reflète dans l’effort de discerner entre le bien et le mal, un grand “oui” à la reconnaissance de la dignité et de la valeur inaliénables de chaque être humain, particulier et unique, appelé à l’existence“. 

 

En préambule, Dignitas Personae rappelle que “la dignité de la personne doit être reconnue à tout être humain depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle” ; “ce principe fondamental, qui exprime un grand oui à la vie humaine, doit être mis au centre de la réflexion éthique sur la recherche biomédicale“. En trois parties, l’Instruction aborde ensuite les aspects anthropologiques, théologiques et éthiques de la vie et de la procréation humaine ; les nouveaux problèmes concernant la procréation ; et enfin les nouvelles propositions thérapeutiques qui comportent la manipulation de l’embryon ou du patrimoine génétique humain.

 

Dignité propre à la personne 

 

Les progrès de la médecine ayant considérablement élargi la connaissance de la vie humaine, on sait désormais que “le corps d’un être humain, dès les premiers stades de son existence, n’est jamais réductible à l’ensemble de ses cellules” ; “ce corps embryonnaire se développe progressivement selon un programme bien défini et avec une finalité propre qui se manifeste à la naissance de chaque enfant“. 

 

Ce constat fait, le texte rappelle un principe fondamental pour juger des questions morales portant sur l’embryon humain, déjà formulé dans Donum Vitae : “le fruit de la génération humaine dès le premier instant de son existence, c’est-à-dire à partir de la constitution du zygote, exige le respect inconditionnel moralement dû à l’être humain dans sa totalité corporelle et spirituelle” ; “l’être humain doit être respecté et traité comme une personne dès sa conception, et donc dès ce moment, on doit lui reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels et en premier le droit inviolable de tout être humain innocent à la vie” (DV, I,1, 79). Cette affirmation est reconnue vraie par la raison elle-même. 

 

S’appuyant sur le lien intrinsèque entre la dimension ontologique et la valeur spécifique de chaque être humain, décrit dans Donum Vitae et contenu dans cette question “comment un individu humain ne serait-il pas une personne humaine ?“, Dignitas Personae va plus loin en affirmant que, puisque “la réalité de l’être humain, tout au long de son existence, avant et après sa naissance, ne permet d’affirmer ni un changement de nature ni une gradation de la valeur morale“, “l’embryon humain a donc, dès le commencement, la dignité propre à la personne“. Le deuxième principe favorisant le respect dû à l’embryon repose sur “le mariage et la famille [qui] constituent le contexte authentique où la vie humaine trouve son origine“.

 

Procréation et sélection

 

Reconnaissant la légitimité du désir d’avoir un enfant et les souffrances des conjoints éprouvés par une infertilité, l’Eglise rappelle que “la procréation humaine est un acte personnel du couple homme-femme qui n’admet aucune forme de délégation substitutive“. Elle précise que les techniques d’aide à la procréation “sont à évaluer moralement par référence à la dignité de la personne humaine” et “ne sont pas à rejeter parce qu’artificielles“. Ainsi les techniques de fécondation artificielle, hétérologue et homologue, sont à exclure parce qu’elles se substituent à l’acte conjugal (fécondation in vitro (FIV), injection intra-cytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI)). La congélation d’ovocytes en vue de procéder à une procréation artificielle est aussi “inacceptable“. En revanche, sont permises “les techniques qui sont comme une aide à l’acte conjugal et à sa fécondité” (traitement de l’endométriose, désobstruction des trompes…). 

 

Le document précise ensuite que la congélation et le tri d’embryons conçus par FIV, la réduction embryonnaire et le diagnostic préimplantatoire (DPI), en traitant l’embryon humain “comme un simple“matériau de laboratoire””, “opère une altération et une discrimination en ce qui concerne la notion même de la dignité humaine“. En visant une sélection qualitative des embryons, le DPI est l’expression d’une mentalité eugénique “toujours répréhensible“. 

 

Dignitas Personae évoque ensuite les méthodes contraceptives, interceptives et contragestives, précisant que, malgré une part d’inconnu sur leur mode d’action, “l’effet d’empêcher l’implantation est réellement présent” et qu’il y a donc intentionnalité d’avortement. Le texte renvoie à la définition de l’avortement donnée par l’encyclique Evangelium Vitae : il s’agit du “meurtre délibéré et direct, quelle que soit la façon dont il est effectué, d’un être humain dans la phase initiale de son existence, située entre la conception et la naissance“.

 

Thérapie et manipulation génétique

 

Si les interventions strictement thérapeutiques sur les cellules somatiques sont en principe licites, la thérapie génique germinale, en l’état actuel de notre ignorance sur les risques encourus pour la progéniture et en raison du recours implicite à la procréation artificielle, est moralement illicite. 

 

L’Instruction explique que le clonage humain, la recherche sur les cellules embryonnaires humaines, la création d’embryons hybrides humains/animaux portent gravement atteinte à la dignité humaine et elle encourage les recherches sur les cellules adultes.

 

Enfin, Dignitas Personae évoque largement les problèmes éthiques liés à l’utilisation de “matériel biologique” humain d’origine illicite (embryons et fœtus).

 

1- Congrégation pour la doctrine de la Foi, Instruction Dignitas personae sur certaines questions de bioéthique (8 septembre 2008)

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