Des chercheurs de l’université de Munich ont transplanté des cœurs de porcs à des babouins qui ont survécu plus de six mois. L’étude parue dans Nature ce 6 décembre rapporte qu’un des babouins a survécu jusqu’à 195 jours, « un record qui laisse entrevoir d’hypothétiques essais cliniques chez l’homme ». Les xénotransplantations sont en effet envisagées chez l’homme pour « pallier le manque de donneurs » d’organes. Mais pour Christophe Huber, médecin chef du Service de chirurgie cardiovasculaire des Hôpitaux universitaires de Genève, «il ne s’agit que de deux animaux dans une seule équipe, attendons de voir si d’autres parviennent à reproduire ces résultats.»
« Le précédent record de survie pour un babouin avec un cœur de porc, n’était que de 57 jours ». Les résultats de l’équipe allemande sont donc d’autant plus « surprenants », estime Christophe Huber. La xénotransplantation pose en effet un problème technique majeur : « Il faut avant tout échapper aux défenses du receveur, dont les cellules immunitaires vont considérer l’organe comme un intrus et le détruire, provoquant un phénomène de rejet dit hyperaigu ». Pour le contrer, les chercheurs ont modifié génétiquement les porcs, « de telle sorte que leurs cellules étaient dépourvues d’une certaine protéine membranaire habituellement reconnue par les défenses du receveur », et exprimaient deux protéines humaines dont l’une « empêche l’action de certains cellules immunitaires » et l’autre « bloque la coagulation survenant en cas d’inflammation ».
Par ailleurs, l’équipe allemande a « comparé diverses méthodes de conservation des cœurs », utilisant deux techniques différentes selon les babouins receveurs. Ceux qui ont reçu un cœur « maintenu sous perfusion sanguine à l’aide de canules et d’une pompe » ont eu un taux de survie bien meilleur que ceux ayant reçu un cœur « plongé dans la glace pour en ralentir la dégradation ».
Enfin, l’équipe a été confrontée à un autre problème : « le cœur a plus que doublé de volume entre l’implantation et la mort des babouins: +259% en moyenne », car la pression artérielle est plus élevée chez les babouins et le « cœur du cochon est adapté à sa croissance rapide ». Pour l’éviter, « cinq autres singes ont été greffés après un traitement anti-hypertensif », et « tous avaient des fonctions et volumes cardiaques normaux après quatre semaines ».
Pour aller plus loin:
Des cœurs de porcs génétiquement modifiés pour faire face à la pénurie d’organes ?
Vers des greffes d’organes issus de porcs génétiquement modifiés ?
eGenesis lance un essai pour les xénotransplantations
Le Temps (5/12/2018)
Photo: Pixabay DR