Alors que le Docteur Sanchez vient d’annoncer par email aux parents de Vincent Lambert qu’il arrêtait l’alimentation et l’hydratation de leur fils et mettait en place la sédation, Marie-Axelle Clermont, maman de 4 enfants dont Gaspard, atteint de la maladie génétique neuro-dégénérative de Sandhoff, qui est décédé le 1er février 2017, réagit à l’annonce du début de la sédation de Vincent Lambert.
Prendre soin du plus cabossé, l’entourer, l’aimer, le soigner, l’hydrater, l’alimenter. Est-ce si compliqué ? Ce matin, je me suis dit que quelque chose allait se passer pour arrêter le bras du médecin. Ce qui arrive est juste atroce et je ne peux que me lever pour le dénoncer.
Vincent Lambert n’est pas sous respirateur artificiel, il n’est pas sous assistance cardiaque, son électroencéphalogramme n’est pas plat. Autour de moi, les gens ne comprennent pas ce qu’il se passe. En même temps, ils semblent comme anesthésiés parce que c’est tellement choquant et violent. La brutalité de l’actualité est telle qu’on est comme sidérés, incapables de réagir. Du coup, c’est au-delà de nos forces. Pourtant, il faudrait crier !
Si les médecins mettent en place une sédation, c’est bien parce qu’ils savent qu’il est vivant, qu’il ressent les choses, qu’il a des émotions et qu’il faut annihiler tout sursaut de vie. Gaspard à la fin de sa vie, était dans le même état que Vincent Lambert. Il nous transmettait ses émotions en fronçant les sourcils, il mimait encore la succion pour nous dire qu’il avait faim. Si un médecin m’avait dit qu’il voulait arrêter les traitements, j’aurais cogné. Pas forcément physiquement, mais j’aurais cogné à toutes les portes, à tous les cœurs, chercher à secouer les mentalités, bousculer les personnes, j’aurais remué ciel et terre pour qu’on le laisse en paix.
Il me semble qu’on atteint un point de non-retour. Comment un médecin peut seul déterminer de mettre fin à l’alimentation et l’hydratation d’une personne ?
C’est une guerre étrange : on parle de Vincent Lambert mais sans lui. Il est vrai qu’il ne peut pas parler mais comment justifier cet effacement ?
Aujourd’hui, on parle de l’apothéose du bio, d’un retour à la nature, pourtant, dès qu’on touche à la personne humaine, c’est le contraire qui se passe. On se permet d’intervenir sur sa vie, de le bourrer de sédatifs, on ne cherche pas d’autre solution. J’ai l’impression qu’au mieux, on démissionne face au handicap.
Oui, ce qui est en train de se passer me terrifie. Est-il devenu normal de mettre fin à la vie de patients lourdement handicapés au seul motif qu’ils le sont ? Ce qui est en train de se passer est inhumain.
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