La maman de Gaspard, se demande : Que se passera-t-il quand l’état de santé de Gaspard dépassera celui de Vincent Lambert ?

Publié le 30 Juil, 2015

Gaspard est un petit garçon de bientôt 2 ans. Il est atteint de la maladie génétique neuro-dégénérative de Sandhoff. Quand la CEDH a prononcé son jugement et a validé l’arrêt des soins vitaux de Vincent Lambert, la maman de Gaspard s’est mise en colère. Gènéthique a recueilli son témoignage.

 

Pourquoi êtes-vous en colère ?

Au départ, quand j’ai reçu la décision de la CEDH, je n’ai pas compris. Ce malade lourdement handicapé ressemble trop à mon fils et je me suis dit que si on validait cette décision, on ouvrait la porte à d’autres cas identiques. Sans doute pas tout de suite, mais plus tard.

Oui, j’ai pensé à Gaspard. Gaspard est un petit garçon doux, qui écoute beaucoup. Il riait, babillait, embrassait, chantait, jouait, se retournait. Je parle au passé, parce que sa maladie lui fait peu à peu perdre tous ses acquis. Un processus qui va se poursuivre jusqu’à l’extinction de toutes ses fonctions vitales au jour de sa mort. Nous vivons donc sa dégénérescence au quotidien.

A présent, Gaspard ne tient plus sa tête tout seul, ne s’assoit plus, ne rit plus, ne babille plus, ne tient plus les objets, ne joue plus, n’embrasse plus, ne se retourne plus, ne bouge plus, ne voit plus.

Mais, Gaspard respire, s’endort, se réveille, entend, et déglutit.

Son cœur bat tout seul. Comme celui de Vincent Lambert.

 

Mais l’histoire de Vincent Lambert est différente de celle de votre fils ?

Les symptômes sont quasiment identiques même si, pour Gaspard, ils ne sont pas la conséquence d’un accident. Aujourd’hui, Gaspard est nourri par sonde. Il peut encore déglutir, et chaque jour on lui donne 10 cuillères de ce qu’il aime : du caramel, du kiri, juste pour qu’il ait le plaisir d’avoir quelque chose en bouche.

Aussi, j’ai cherché à comprendre ce qu’on disait de Vincent Lambert. Cet homme n’est jamais branché, il n’est pas sous respirateur artificiel. Et je me suis demandée comment un échantillon de 12 juges pouvait penser qu’on ne pouvait pas continuer à prendre soin de sa vie ? La loi ne devrait pas statuer sur des cas particuliers. Parce que cette famille est divisée, elle a du faire appel à la justice qui se doit de répondre. Mais la réponse n’est pas adaptée. Je pense à tous ceux qui s’occupent tous les jours de Gaspard et de Vincent Lambert. Je me demande pourquoi on ne place pas ce grand corps malade dans une structure qui lui convienne ? Comment peut-on décemment légiférer sur son droit de vivre ou de mourir ?

Vincent Lambert n’est pas le bon cas, ils s’acharnent sur un mauvais patient parce que la famille se déchire. Il est le porte-parole muet d’un faux débat et c’est d’autant plus paradoxal que cet homme n’est pas en fin de vie. Ça sonne faux. Tout est faux ! Je suis en colère, parce que la mort n’est pas le premier réflexe à avoir face à une personne qui souffre ! On se trompe de combat. On a besoin de se pencher sur ces existences  bouleversées par des maladies, le handicap. De ce point de vue, j’espère que Vincent Lambert va réveiller les consciences.

 

Certains justifient leurs démarches pour l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation en expliquant que Vincent Lambert souffre. Qu’en pensez-vous ?

Il y a un côté assez égoïste à refuser de voir la souffrance de l’autre, même si c’est certainement la chose la plus difficile à vivre. Gaspard a fait un électroencéphalogramme. Je sais, sans que ça n’apparaisse extérieurement, que le cerveau de Gaspard est en souffrance. Il est prévu que nous allions prochainement avec lui dans un centre antidouleur. La souffrance de Gaspard, je la vis  nuit et jour et je sais qu’il n’y a rien de pire que de voir un être aimé souffrir. Mais quand un enfant se fait mal, quand il a mal, le premier réflexe n’est pas de l’abandonner, mais de le soigner !

 

Comment se comporter face à la souffrance d’un proche ?

Quand Gaspard est né, j’ai tout de suite su que quelque chose n’allait pas bien, qu’il était porteur de quelque chose de grave. La maladie, d’origine génétique, s’est déclarée autour de ses 4 mois. Paradoxalement, c’est le seul de mes 4 enfants pour qui je n’ai eu aucun problème à me lever la nuit, pour qui je n’ai jamais râlé, comme si la fragilité qu’il porte devait être entourée de présence. Et de fait, la seule chose que je puisse faire, c’est de l’aimer, pour lui montrer, le temps de sa courte vie, que sa vie est belle alors même qu’il ne pourra jamais marcher, jamais parler… Il n’y a rien de plus important que d’entourer quelqu’un d’amour.

Gaspard est très souvent dans mes bras, on l’embrasse tout le temps, mais il sait très bien nous dire quand il veut être au calme : il ne bouge plus, il fronce les sourcils… Il est fragile, oui, mais il n’est certainement pas faible. Ces grands handicapés sont bien plus forts que nous !

 

Avez-vous des craintes pour la fin de vie de Gaspard ?

Non, je ne crains pas pour Gaspard, je ne crains pas pour sa fin de vie. Je sais que j’ai beaucoup de chance parce qu’avec mon mari, nous sommes une équipe autour de Gaspard. Mais j’ai rencontré des mamans qui n’arrivent  plus à s’occuper de leur enfant malade. C’est trop dur. Elles sont souvent seules à se battre et sont tentées d’abandonner leur combat. Et il me semble qu’il serait préférable d’orienter les lois vers les soins palliatifs, de former davantage les soignants à accompagner ceux qui traversent difficilement cette épreuve. Je pense aussi aux parents qui se déchirent, qui se séparent, que vont devenir les patients ? Comment sera-t-il possible de préserver l’enfant quand ses parents ne sont pas d’accord entre eux ?

 

L’état de santé de Gaspard se dégrade, qu’attendez-vous d’une équipe médicale ?

Les cellules de Gaspard s’encrassent et sa santé s’altère un peu plus tous les jours. Depuis Noël, il ne voit plus. Il perd l’interactivité, la communication, l’usage de ses sens. Un jour, son état de santé va dépasser celui de Vincent Lambert. Quand ce stade sera dépassé, je voudrais trouver autour de nous une équipe forte pour me dire qu’il n’existe pas que la solution de la sédation profonde et continue. Je ne veux pas que l’Etat propose de « sédater » mon enfant, comme on propose l’IVG avant les maisons d’accueil quand une femme tombe « accidentellement » enceinte. Je veux qu’on explore toutes les possibilités de soins palliatifs pour accompagner Gaspard dans sa fin de vie. Et je me dis que, plutôt que de se battre autour de Vincent Lambert, il faut le protéger.

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