Un vétérinaire prescrit des produits euthanasiques, il est relaxé

Publié le 5 Mai, 2022

Lundi 2 mai, le tribunal correctionnel d’Angers a relaxé un vétérinaire « poursuivi pour avoir fourni une fausse ordonnance de produits euthanasiants à un ami atteint de la maladie de Charcot [1] » (cf. Maladie de Charcot : quel accompagnement en fin de vie ?). L’homme s’était suicidé au printemps 2019.

L’« état de nécessité » invoqué

Pour justifier la relaxe de l’accusé, la présidente du tribunal a invoqué « l’état de nécessité » plaidé par la défense [2]. L’avocat du vétérinaire, Antoine Barret, s’attend à une possible jurisprudence. Pour cela « il faudrait que [le jugement] soit confirmé par une cour d’appel ou la Cour de cassation », précise Me Patrice Spinosi, avocat de l’association Dignitas (cf. Suicide assisté : Dignitas devant le Conseil d’Etat français). Ce que Frédérique Dreifuss-Netter, ancienne membre du Comité consultatif national d’éthique et ex-directrice du centre de recherches en droit médical de Paris 5, estime peu probable.

Le parquet avait requis quatre mois de prison avec sursis, après avoir d’abord demandé une condamnation pour « assassinat et tentative d’assassinat ». Suite à un non-lieu, l’accusé n’ayant pas administré les produits en question, les chefs d’accusation avaient été requalifiés en « faux en écriture et usage ». Le parquet peut encore faire appel.

Des demandes peu fréquentes même pour les patients atteints de SLA

Pour Me Barret, cette décision « s’inscrit dans “une époque et un climat qui s’y prêtent” » (cf. Présidentielles : Emmanuel Macron favorable à l’euthanasie). Pourtant « la très grande majorité » des patients atteints de la maladie de Charcot ne demandent pas le suicide assisté, rappelle Valérie Goutines Caramel, présidente de l’Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique et autres maladies du motoneurone (ARLSA). « Derrière ces demandes, il y a une peur de souffrir physiquement et moralement », explique-t-elle. Et des patients « choqués » par leur médiatisation réclament que l’on arrête de leur parler du suicide. « Ce qu’on veut, c’est profiter au maximum de la vie qui nous reste. »

Complément du 05/05/2022 : Le parquet a annoncé, ce jeudi 5 mai 2022, son intention de faire appel. « Même si les motivations écrites de la décision ne sont pas encore portées à la connaissance du parquet, le tribunal correctionnel a déclaré, lors du prononcé, fonder sa décision sur l’état de nécessité. » Un état qui, selon « une jurisprudence constante », vise à sauvegarder un « intérêt supérieur », rappelle le parquet.

Complément du 23/06/2023 : La cour d’appel d’Angers a examiné l’affaire le 22 Juin. « Le but n’est pas de s’acharner, mais de veiller à la bonne application de la loi », a indiqué l’avocat général Loïs Raschel qui a requis 4 mois de prison, comme en première instance. Pour lui, les deux conditions de l’état de nécessité ne sont pas réunies : il n’existait pas de danger imminent et il n’y a pas eu d’acte nécessaire à la sauvegarde de la personne. Il considère en outre qu’une relaxe serait « porteuse de dérives » : « Dire que l’acte est justifié, c’est admettre que demain, des proches ou des professionnels aident une personne à mourir en dehors de toute cadre. »

Complément du 30/11/2023 : Le 30 novembre, la Cour d’appel a déclaré le vétérinaire coupable, mais il a été « dispensé de peine ».

[1] Cette maladie neurodégénérative est également appelée sclérose latérale amyotrophique (SLA).

[2] L’article 127-2 du Code pénal « prévoit l’irresponsabilité pénale pour “la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace” ».

Sources : La Croix, Pierre Bienvault (04/05/2022) ; France Info, Catherine Fournier (04/05/2022) ; Ouest France, Josué Jean-Bart (05/05/2022) ; Le Monde, Henri Seckel (23/06/2023); AFP (30/11/2023)

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