Des chimistes ont utilisé ChatGPT pour « concevoir et réaliser des réactions chimiques complexes à l’aide d’un laboratoire robotisé ». Le système, baptisé « Coscientist », peut concevoir, coder et réaliser plusieurs réactions à l’aide d’un appareil robotisé. Leur approche a été décrite dans la revue Nature [1].
« Le moment où j’ai vu une intelligence non organique capable de planifier, de concevoir et d’exécuter de manière autonome une réaction chimique inventée par l’homme, j’ai été stupéfait », déclare le chimiste Gabe Gomes de l’université Carnegie Mellon de Pittsburgh, qui a dirigé ces recherches. « C’était un moment inoubliable ».
Coscientist utilise les derniers grands modèles de langage (LLM), y compris GPT-4, pour parcourir la littérature dans le domaine de la chimie et concevoir les étapes de la réaction qui permettra de fabriquer une molécule à la demande d’un être humain.
Plusieurs synthèses réussies
Les chercheurs ont demandé au système de planifier la synthèse de plusieurs molécules connues : le paracétamol et l’aspirine, ou encore des molécules organiques, la nitroaniline et la phénolphtaléine. Au cours de la phase de planification, Coscientist a été en mesure de déterminer les étapes qui permettraient d’obtenir globalement les meilleurs rendements de réaction. Et « il a fabriqué les molécules correctement ».
L’équipe a également tenté une « expérience plus complexe » en demandant à Coscientist d’exécuter une réaction appelée couplage de Suzuki-Miyaura, qui forme des liaisons carbone-carbone et « joue un rôle important dans la découverte de médicaments ». Le système a également réussi ce test.
Un domaine d’avenir ?
D’autres « robots chimistes » sont développés en parallèle. Ainsi, Andrew White, chimiste à l’université de Rochester, à New York, a dirigé l’équipe à l’origine de ChemCrow. Cet autre système « peut planifier et fabriquer une série de molécules, y compris l’insecticide DEET2 ».
Tiago Rodrigues, chimiste à l’université de Lisbonne, voit « un avenir » où les laboratoires seront « autopilotés ». Et « les outils d’IA sont nécessaires pour automatiser complètement le cycle conception-fabrication-essai ». Toutefois, « la plupart des questions de recherche, en particulier dans le domaine de la découverte de médicaments, sont encore hors de portée », car « ce n’est pas seulement une bonne compréhension de la chimie qui est nécessaire, mais aussi de la biologie ».
L’équipe de Gabe Gomes n’a pas mis en libre accès le code complet de son invention. En effet, le scientifique estime qu’« il est important de réfléchir attentivement à la manière dont des technologies telles que Coscientist et ChemCrow sont utilisées, et à l’endroit où elles le sont, car certaines applications sont susceptibles d’être dangereuses ».
[1] Boiko, D.A., MacKnight, R., Kline, B. et al. Autonomous chemical research with large language models. Nature 624, 570–578 (2023). https://doi.org/10.1038/s41586-023-06792-0
Source : Nature, Katharine Sanderson (20/12/2023) – Photo : Pixabay