La vue d’un homme souffrant de rétinite pigmentaire a pu être partiellement restaurée « grâce à une technique innovante associant thérapie génique et stimulation lumineuse ». Selon les chercheurs ayant collaboré à l’essai clinique, c’est la première fois que cette technique, l’optogénétique, conduit à un tel résultat. Leurs résultats ont été publiés lundi 24 mai dans la revue Nature Medicine[1].
La thérapie génique associée à la stimulation lumineuse
Les cellules photoréceptrices de la rétine mettent en œuvre des protéines, les opsines, capables de réagir à l’énergie lumineuse, qui transmettent les informations visuelles au cerveau grâce au nerf optique. La rétinopathie pigmentaire est une maladie génétique dégénérative qui cause la destruction des photorécepteurs de la rétine, conduisant à la perte progressive de la vision, souvent jusqu’à la cécité.
L’équipe de chercheurs issus de l’Institut de la Vision (Sorbonne Université/Inserm/CNRS) et de l’hôpital Saint Antoine des Quinze Vingts, en collaboration avec l’université de Pittsburgh aux Etats-Unis, l’Institut suisse d’ophtalmologie moléculaire et clinique de Bâle, la société Streetlab et GenSight Biologics, une entreprise biotech française, a injecté au patient « le gène codant pour l’une de ces protéines, appelée ChrimsonR, qui détecte la lumière ambrée ». Un gène « d’une opsine d’algue rouge ». Puis, après avoir laissé l’organisme du patient de 58 ans produire les protéines nécessaires pendant « près de cinq mois », sa vue été stimulée grâce à des lunettes projetant des images de couleur ambrée sur sa rétine. Et « sept mois plus tard, le patient a commencé à rapporter des signes d’amélioration visuelle ». En effet, il est à présent en mesure de « localiser, compter et toucher des objets ».
L’acuité visuelle du participant à l’essai demeure toutefois, après traitement, « inférieure à 1/20e – au-dessous, donc, du seuil légal de cécité ». Et les chercheurs s’attendent à ce que la vue du patient ne se rétablisse pas suffisamment pour pouvoir lire ou reconnaître les visages, ce qui nécessite « une très haute résolution ».
Vers un essai de phase 3
Pour le Pr José-Alain Sahel qui a fondé l’Institut de la vision, « il faudra du temps avant que cette thérapie puisse être proposée ». De son côté, GenSight Biologics a fait part de son intention de lancer un essai de phase 3 « prochainement » afin de « confirmer l’efficacité de cette approche thérapeutique ». Ainsi, « trois cohortes, incluant de 12 à 18 patients, sont en cours de recrutement pour tester des doses croissantes du traitement – à Paris, à Pittsburgh et à Londres », précise Magali Taiël, ophtalmologue et responsable des essais cliniques pour GenSight.
Une personne sur 3500 souffre de rétinite pigmentaire, « plus de 2 millions de personnes sont concernées dans le monde ». Une pathologie qui « peut débuter à n’importe quel âge, avec une fréquence d’apparition plus grande entre 10 et 30 ans ».
[1] Partial recovery of visual function in a blind patient after optogenetic therapy, Nature Medicine (2021). DOI: 10.1038/s41591-021-01351-4 , www.nature.com/articles/s41591-021-01351-4
Sources : Le Monde, Florence Rosier (24/05/2021) ; Medical Xpress (24/05/2021) ; AFP (24/05/2021) – Photo : Pexels de Pixabay