156 experts de l’intelligence artificielle : juristes, scientifiques, leader industriels de 14 pays, ont adressé une lettre à la Commission européenne, dévoilée le 12 avril, pour alerter sur « le risque de donner un statut juridique aux robots ».
Dans un paragraphe du rapport européen publié en janvier 2017, la recommandation 59f propose d’attribuer une « personnalité juridique spécifique » à certains robots (cf. Rapport Delvaux adopté : le Parlement Européen entre dans la fiction transhumaniste). « Ce statut pourrait leur permettre d’être assurés individuellement et d’être tenus pour responsables en cas de dommages faits à des personnes ou à des biens ». Il donnerait à « l’intelligence artificielle un statut de “personne morale” qu’ont déjà les sociétés dans les tribunaux du monde entier ». Comme l’explique Me Georgie Courtois, avocat et pilote du groupe juridique de l’association Hub FranceIA, « l’idée serait de doter le robot d’une identité et d’un capital social (comme une entreprise) qui lui permettrait, notamment, de faire face à une action en responsabilité ». Or, pour l’essentiel « les règles de responsabilité actuelles fonctionnent avec le robot en raison de ses capacités et de son autonomie actuelle ».
Ce nouveau statut aurait pour effet de dégager les utilisateurs de toute responsabilité, alors que ce dernier peut rester effectivement responsable selon les circonstances : il doit maitriser l’utilisation du robot, ne pas lui ordonner volontairement « de réaliser des actes potentiellement dommageables »… Il conduirait aussi à effacer la responsabilité des fabricants actuellement soumis « aux règles relatives aux produits défectueux » par « par la mise en place d’un écran juridique faisant obstacle à l’engagement de leurs responsabilités ».
Donner un statut légal aux robots ne manquerait pas de soulever de nombreuses questions éthiques : « L’objet (ou du moins son propriétaire) pourrait ensuite prétendre carrément à des droits humains, comme celui à la dignité, à l’intégrité, à la rémunération… voire à la citoyenneté. Un scénario de cauchemar qui serait, soulignent les experts, ‘en contradiction avec la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Convention de Protection des Droits humains et les libertés fondamentales’ ».
Pour Maître Courtois, « ce n’est que par le prisme de l’expérimentation que l’on peut parvenir à une législation efficace », il n’y a pas d’urgence à introduire dans le droit un nouveau statut juridique, pour l’heure, inadapté.
Marianne, Alexandra Saviana (13/10/2018) ; Editions Francis Lefèbvre, Audrey Tabuteau (18/04/2018)