Sophie Crozier : « une évolution législative sur la fin de vie ne règlera rien du tout »

18 Jan, 2023

Dans un entretien pour la revue Etudes, Sophie Crozier, neurologue et membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), s’interroge sur la nécessité d’une nouvelle loi sur la fin de vie (cf. Fin de vie : la convention citoyenne est lancée). Une réflexion fondée sur son expérience auprès de patients victimes d’accidents vasculaires cérébraux avec des risques de handicap important ou de décès, ainsi que la coordination du comité local « soins palliatifs » de la Pitié-Salpêtrière.

Soins palliatifs : une pratique au cœur du métier de soignant

Sophie Crozier considère que « le soin palliatif questionne la finalité de chaque acte médical, de chaque acte soignant », car « c’est le cœur [du] métier de soignant que d’être confronté à la souffrance et à la mort, et aux questions éthiques et existentielles qu’elles soulèvent » (cf. Soins palliatifs : de quoi parle-t-on ?).

« Source d’humilité, parce qu’elle nous confronte à beaucoup d’incertitudes et aux limites de la médecine », la culture palliative invite à « mieux considérer la dimension humaine de nos pratiques soignantes » ajoute-t-elle.

L’accompagnement des personnes en fin de vie et de leur famille ne devrait pas être assimilé à un échec de la médecine mais à un acte soignant. « La mort n’est pas un échec dans la pratique médicale, les soins palliatifs sont des soins actifs et l’accompagnement de la fin de vie une des missions fondamentales de la médecine » précise-t-elle tout en insistant sur le manque de personnel et de moyens (cf. Fin de vie : enquête auprès des médecins).

Répondant à l’argument selon lequel les personnes handicapées seraient malheureuses, elle note que 90% des patients tétraplégiques « estiment qu’ils sont très heureux et qu’ils ont une très bonne qualité de vie. Le fait d’être sévèrement handicapé n’empêche pas d’être heureux de vivre ». « Les personnes vivent parfois mal leur situation de handicap ou de souffrance physique et psychique parce qu’elles vivent dans une société qui leur renvoie l’image d’une condition humaine diminuée, voire inhumaine » explique-t-elle.

La nécessité de développer les soins palliatifs

« Une évolution législative sur la fin de vie ne règlera rien du tout », estime Sophie Crozier, car la médecine ne peut pas répondre à tout. Pour elle, la solution serait de développer les soins palliatifs, « d’avoir des soignants qui soient formés, des soignants qui soient en nombre suffisant pour accompagner des patients dans des situations de fin de vie difficiles, c’est-à-dire de pouvoir les écouter, les comprendre, soulager leurs souffrances et répondre à leurs attentes » (cf. Soins palliatifs : fermeture d’un service faute de médecin). Les soignants devraient « réinterroger » les demandes de suicide assisté ou d’euthanasie car le soulagement des souffrances pourrait être une réponse attendue.

« Sans idéaliser ces moments douloureux, il existe parfois des échanges essentiels et profonds qui représentent un temps nécessaire pour se confronter à la finitude de la vie et à la mort qui arrive. Abréger ces moments ou les supprimer, c’est prendre le risque de se priver d’une dimension de la confrontation à la mort, y compris pour les proches » explique-t-elle.

Dans le débat sur la fin de vie, elle insiste sur la nécessité de bien distinguer le « laisser mourir », c’est-à-dire l’arrêt des traitements et la poursuite des soins, du « faire mourir » qui implique de provoquer la mort délibérément, intentionnellement. « Qui serions-nous pour décider de retirer la vie » interroge-t-elle ? « L’acte de provoquer la mort est de l’ordre de la toute-puissance de la part de la personne qui peut le demander comme de celle qui peut le mettre en œuvre » dénonce-t-elle. « On voudrait maîtriser la fin de vie, on voudrait tout pouvoir gérer de notre vie, de la naissance à la mort », analyse le médecin (cf. Fin de vie : « ne dévoyons pas les soins palliatifs »).

Source : Etudes, Sophie Crozier (01/2023)

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