Dans une tribune publiée dans le quotiden Le Monde, intitulée "Ethique de l’urgence, urgence de l’éthique", Pierre Valette, de l’université Paris-Est Créteil, donne son point de vue sur ce à quoi conduit le financement actuel des hôpitaux. Ainsi, il explique que ce financement "incite à la réalisation d’actes économiquement rentables" et que, par voie de conséquence, "la finalité du soin tend à perdre de vue la personne pour viser le seul niveau de tarification que l’acte ainsi généré peut atteindre".
Pour expliciter son propos, Pierre Valette reprend "une formule rabâchée par tous" à savoir, les soignants, les administrateurs et les responsables politiques. Pour ces derniers, "le label ‘éthique’, délivré lors de la certification des établissements de santé, laisse croire à une caution morale donnant l’illusion de placer le malade ‘au coeur du système sanitaire’ ".
Pour Pierre Valette, "si la technique accomplit l’éthique lorsqu’elle sauve des vies, elle tend aujourd’hui à la remplacer. Et lorsque la technique cesse de produire les effets attendus, l’éthique mise à nue fait figure aux yeux des professionnels de santé de phénomène surnuméraire, nouvelle instance ou discipline n’attendant plus que ses nouveaux spécialistes. A l’inverse, le glissement de la technique sur l’éthique laisse celle-là flotter dans le vide, embarquant tout ceux qu’elle instrumentalise". De fait,"l’acte médical s’y trouve […] disqualifié au profit du geste technique que le fameux progrès technologique pourra totalement mécaniser".
Par conséquent, "lorsqu’elle est réduite à une succession des gestes techniques et à des protocoles comparables à autant de recettes de cuisines, la pratique médicale se voit énucléée de ce qui constitue l’essence: la nécessité pour le médecin de délibérer sur ce dont il a la science, car la singularité du sujet, sa particularité, doit toujours primer".
Le Monde (Pierre Valette) 16/11/12