Une étude menée par des chercheurs japonais et présentée lors de la conférence annuelle de la Société européenne de génétique humaine (ESHG) [1] montre que les scores de risque polygénique donnent des résultats « imprécis et incohérents ».
Les scores de risque polygénique sont des estimations de la susceptibilité d’un individu vis-à-vis d’un trait complexe spécifique, obtenues en agrégeant les effets de dizaines, de milliers, voire de millions de variantes génétiques associées à ce trait. Certaines entreprises privées commercialisent déjà le tri des embryons par diagnostic préimplantatoire via le calcul de ces scores dans le cadre de procédures de fécondation in vitro (cf. DPI : le score de risque polygénique pas (encore) recommandé par l’ACMG).
Peu ou pas de concordance entre les méthodes
A l’aide de simulations informatiques « à grande échelle » et de données provenant de la BioBank Japan, le Dr Shinichi Namba, du département d’informatique génomique de la Graduate School of Medicine de l’Université de Tokyo, et ses collègues, ont construit des scores de risque afin de prédire la taille à l’âge adulte, ainsi que le risque de diabète de type 2.
Les chercheurs ont sélectionné au hasard 500 hommes et 500 femmes à partir desquels ils ont simulé des couples. Pour chacun de ces couples, ils ont ensuite simulé 10 embryons, puis ont appliqué les six méthodes de calcul de score de risque polygénique les plus utilisées pour prédire les deux critères retenus.
Or lorsqu’ils ont évalué les « meilleurs » embryons, c’est-à-dire ceux qui devaient être les plus grands et ceux qui présentaient le moins de risques de diabète, sélectionnés par chaque méthode, ils ont été surpris de constater qu’il n’y avait que « peu ou pas de concordance » entre elles.
Des classements différents, même pour une méthode donnée
« Nous ne nous attendions pas à un tel manque de robustesse, confessent les scientifiques. Aucune combinaison de deux méthodes n’a sélectionné le même embryon plus de la moitié du temps. » « L’embryon le moins bien classé par une méthode pouvait être le mieux classé par une autre, poursuivent-ils. Pire encore, le simple fait de répéter la même méthode produisait un classement des embryons différent à chaque fois », quel que soit le critère évalué.
Ainsi, « nous pouvons affirmer avec certitude que les scores de risque polygénique des embryons n’ont pratiquement aucune valeur à l’heure actuelle », conclut le Dr Shinichi Namba.
Pour le professeur Alexandre Reymond, du Centre de génomique intégrative de l’Université de Lausanne, et président de la conférence, « ces résultats s’alignent parfaitement sur la recommandation de l’ESHG concernant l’utilisation des scores de risque polygénique pour les tests génétiques préimplantatoires, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas été prouvés et ne sont pas éthiques pour le moment ».
NDLR : Les chercheurs travaillent à « perfectionner » la technique, ne l’estimant pas éthique « à l’heure actuelle », en raison du risque d’élimination d’embryons de « bonne qualité ». Pourtant le tri des embryons en fonction de leurs caractéristiques génétiques relevant de l’eugénisme, il ne saurait être éthique ni à l’heure actuelle ni dans le futur (cf. Scores de risque polygénique : « Il n’y a pas d’êtres humains parfaits, et les embryons ne font pas exception »).
[1] Abstract no. C02.4 Pre-implantation genetic testing by polygenic risk scores selects different embryos across score construction methods with randomness
Source : Medical Xpress, European Society of Human Genetics (31/05/2024) – Photo : iStock