« Faudra-t-il dissuader certains transhumanistes qui voudraient supprimer la reproduction sexuée pour lui substituer cette fabrication de l’humain ? », interroge le philosophe Jean-Marie Besnier dans un entretien pour le journal Sciences et avenir. « Ce rêve d’une fabrication procède d’une attente consumériste de confort et de fantasmes personnels aberrants », estime-t-il. Car « comment un clone ou un individu génétiquement modifié ne serait-il pas définitivement assujetti au projet et à la décision des parents ? »
Déjà, avec les ciseaux moléculaires CRISPR-Cas9, « on peut imaginer greffer certains gènes à des embryons humains pour conférer aux bébés des compétences cognitives inédites », par exemple. Un outil potentiellement « magnifique » pour le philosophe, mais « dévoyé s’il sert à produire l’homme augmenté ». Et « même utilisée dans un but médical, cette technologie peut conduire à des dérapages » (cf. Editer le génome : des conséquences imprévisibles ?). « Manipuler le génome, c’est créer de l’irréversible », avertit Jean-Marie Besnier.
« Si la prise de pouvoir des technologies sur l’humain se confirme, validant les scénarios transhumanistes, nous irons vers une hyper-individualisation », prévient le philosophe. « Réaliser un humain parfait, ce serait le désocialiser. Car nous vivons en société pour autant que nous sommes des êtres imparfaits, en attente les uns par rapport aux autres. »
Alors Jean-Marie Besnier appelle à « rest[er] aux commandes et déterminés à contrecarrer le fameux adage du physicien Dennis Gabor selon lequel tout ce qui est techniquement réalisable sera réalisé, quoi qu’il en coûte moralement. »
Source : Sciences et avenir, Propos recueillis par François Folliet (16/01/2022)