Projet de loi santé et don d’organes : un article lourd de conséquences avant même son adoption

Publié le 30 Août, 2015

Le projet de loi santé, voté par l’Assemblée nationale en avril dernier et débattu au Sénat à partir du 14 septembre prochain « projette de mettre en œuvre le consentement présumé du don d’organes » (cf.synthèse de presse bioéthique du 26 mai 2015). Il s’agit précisément de l’article 46 ter issu d’un amendement déposé par le député socialiste Jean-Louis Touraine et adopté par l’Assemblée nationale.

 

Cet article « s’inscrit clairement dans l’objectif de l’augmentation du nombre de greffons » : il prévoit « la suppression du recueil du témoignage des familles et indique que seule l’inscription de l’interessé-e au Registre National automatisé des Refus (RNR) pourra faire obstacle à la réalisation des prélèvements ». Il a en peu de temps suscité un vif débat et fait coulé beaucoup d’encre. Le gouvernement a finalement déposé un amendement tentant d’« atténuer en prévoyant que l’inscription au RNR serait UN des modes possibles d’expression du refus, mais plus le seul ». Marisol Touraine a également fait part de « son souhait de renvoyer à un décret en Conseil d’Etat la détermination exacte des modalités possibles d’expression du refus. »

 

Le 22 juillet 2015 la commission des affaires sociales du Sénat a pour sa part « considèr[é] qu’il [vallait] mieux renvoyer la discussion au réexamen de la loi bioéthique qui devrait avoir lieu en 2018 ». Ce nouvel article « aggraverait le régime juridique du consentement présumé, et risquerait d’en faire un nouveau bourbier législatif », en suscitant « des situations dramatiques d’opposition entre les familles et le corps médical ». L’Agence de Biomédecine a d’ailleurs déjà « enregistré un bon (de 15-20/ jour à 300-600/jour !) du nombre des demandes d’inscription au RNR ».

 

L’article 46 ter est loin de faire l’unanimité, et trouve une forte opposition chez les médecins (cf. synthèse de presse du 13 avril 2015). Au niveau européen aussi la question fait débat : en juin, la CEDH a condamné la Lettonie « au motif que sa législation en la matière, qui repose sur le consentement présumé n’impose pas au médecin de rechercher et contacter les familles avant tout prélèvement ». De surcroit, des études sur « l’efficacité comparée des différents modèles de législation en matière de prélèvements d’organes (consentement présumé/consentement exprès) démontrent assez clairement que le modèle législatif importe peu ». Ce sont « la formation de l’ensemble des personnels médicaux intervenant dans le processus » ainsi que « la sensibilisation du public » qui permettent de faire la différence.
 

Plus profondément, le consentement présumé interroge la notion de don : « Si le don (d’une partie) de soi peut être un geste de fraternité (pour soulager la souffrance, voire guérir), la valeur altruiste de cet acte suppose qu’il soit décidé librement. Contraint, le don est dénaturé».

 

Si la commission des affaires sociales du Sénat a supprimé cet article en juillet, il est fort probable qu’il soit à nouveau proposé par voie d’amendement, et discuté en séance le 14 septembre. Gènéthique suivra le débat et relaiera l’information. 

 

 

Pour connaître tous les enjeux bioéthiques du projet de loi santé après discussion en commission des affaires sociales du sénat, cliquez-ici

 

 

Libération (28/08/2015) ; Valeurs actuelles (27/08/2015)

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