Projet de loi de bioéthique : les débats continuent…

Publié le 3 Oct, 2019

Mercredi, les députés ont voté, par 57 voix pour, 16 contre et 10 abstentions, l’article qui doit permettre aux enfants nés d’une PMA d’avoir accès à leurs origines à leur majorité : âge, caractéristiques physiques, antécédents médicaux… et éventuellement aux données identifiantes, cette fois à la discrétion du donneur. Chaque donneur devra consentir à communiquer ces informations avant de procéder au don, l’anonymat étant préservé au moment de ce don. Cet article ne concerne que les enfants nés d’un don après l’entrée en vigueur de la loi.

 

Pour les enfants déjà nés d’un don de gamètes, soit entre 30 000 et 50 000 enfants nés depuis les années 90, la question de l’accès aux données non identifiantes, et éventuellement aux données identifiantes, a opposé la ministre de la santé, Agnès Buzyn à Coralie Dubost, députée LREM et rapporteure du projet de loi sur ces questions. La ministre ne souhaitant pas contrevenir au « contrat moral » conclu jusqu’ici avec les donneurs, qui protège leur anonymat, mais elle propose que ceux qui l’acceptent, se fassent connaitre auprès de la commission ad hoc, à l’occasion d’une campagne d’information. Coralie Dubost parle de « générations sacrifiées » qui n’auront pas accès aux données liées à leur donneur, une autre député estimant qu’on ne pouvait pas continuer à renvoyer les enfants nés d’un don sur les plateformes américaines : « L’Etat a une responsabilité vis à vis de ces enfants ». Les générations à venir ne feront que confirmer cette évidence, trop ignorée par les discussions autour de cette loi.

 

Contre l’avis de la rapporteure, Coralie Dubost et de la Ministre Agnès Buzyn, les députés ont ouvert la possibilité pour un donneur de connaître le nombre d’enfants nés de son don, leur sexe et leur année de naissance.

 

Un amendement visant à autoriser plusieurs enfants issus d’un même don à se retrouver a été rejeté. Aurore Berger a précisé à cette occasion que la loi n’ouvrait pas « un droit à la relation ». Coralie Dubost a, quant à elle, expliqué qu’elle préférait éviter de parler de demi-frère ou de demi-sœur, elle choisit de parler de « demi-génétique », estimant qu’on ne « faisait pas famille » entre enfants nés d’un même donneur… Pourquoi les couples, dans ce cas, préfèrent-ils créer une famille à partir des gamètes d’un même donneur ?

 

Les débats se poursuivront autour de la question du stock de 12000 embryons voués par la loi à être détruits. Avec 64% des couples qui choisissent la destruction des embryons, 23% qui les donnent à la recherche, et 13 % qui font un don en vue de leur « adoption », la ministre Agnès Buzyn considère que la destruction des embryons est déjà une réalité « au quotidien selon le choix du couple parental ». Pour autant, Xavier Breton, député LR, souligne que réduire l’embryon à un produit appartenant à un couple et pouvant être donné « est choquant ». Philippe Gosselin ajoutant que « quel que soit notre avis sur le statut de l’embryon, il n’est pas un ensemble de cellules ou un don comme un autre », avant de rappeler « les principes d’indisponibilité et de dignité » inscrits dans la loi. Annie Genevard, députée LR, attire l’attention de la ministre sur le vocabulaire : elle parle de « stock », ce qui ne respecte pas la dignité de l’embryon.

 

En fin de séance, les députés ont entamé la discussion de l’article 4 de la loi de bioéthique qui concerne la filiation des enfants nés d’une « PMA pour toutes » : « le texte tel que réécrit en commission prévoit que ces couples devront passer par une reconnaissance anticipée de l’enfant devant notaire, comme peuvent le faire les couples hétérosexuels non-mariés. Ainsi, la femme qui n’a pas porté le bébé sera reconnue comme un des deux parents, à égalité avec sa compagne (la mère biologique) »[1]. Il a suscité de nombreuses réactions. Patrick Hetzel, député LR, a dénoncé « un bouleversement inédit dans l’histoire de l’humanité du mode de filiation », Thibault Bazin, député LR, interpelle contre l’institutionnalisation d’une « filiation invraisemblable ». Pascal Brindeau, du groupe UDI-Agir, remet en cause une filiation « établie sur la base de la volonté », Emmanuelle Ménard, apparentée RN, ajoutant à son tour : « Un enfant est bien le produit d’un homme et d’une femme (…) vous privez l”enfant de toute filiation paternelle ».

 

Du simple point de vue du droit, la future loi de bioéthique porte en elle les germes de procédures contradictoires que le juge sera bien en peine de démêler.



[1] Afp, 03/10/2019.

 

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