Projet de loi bioéthique : la commission campe sur sa version de 2ème lecture

Publié le 4 Juin, 2021

Hier soir à 19h30, la Commission spéciale bioéthique a bouclé l’examen de la 3ème lecture du projet de loi bioéthique. PMA sans père, autoconservation des gamètes, filiation à l’égard de deux mères, recherche sur l’embryon humain, création de gamètes artificiels et de copies d’embryon humain, chimères, embryon transgénique, banalisation de l’IMG… la commission revient à peu de choses près sur le texte transgressif issu de sa 2ème lecture (cf. La PMA sans père réintroduite par les députés en commission : bis repetita; « Les principes éthiques sont variables dans le temps et l’espace. » Vraiment ?).

En une journée, et après la fin du débat sur la PMA sans père, les députés ont examiné les 600 amendements restants qui portaient principalement sur l’embryon humain.

La filiation à l’égard de 2 mères réintégrée

Hier matin, les débats ont repris au milieu de l’article 4 du texte relatif à la filiation des enfants nés par PMA sans père. Comme en 2ème lecture, et malgré la solide argumentation des députés Hetzel (LR), Brindeau (Modem), Ménard (Non inscrit), Genevard ou encore Breton, Bazin et Ravier (LR), qui proposaient l’adoption simple par la conjointe pour éviter de chambouler « l’édifice français de la filiation », les députés ont majoritairement voté pour la « reconnaissance conjointe anticipée » par la conjointe de la femme qui accouche. Grâce à la persuasion d’Annie Genevard, la femme qui accouche sera, comme depuis toujours en droit français, réputée mère certaine. Une évidence qui avait pourtant été rayée du projet de loi lors des lectures précédentes.

Les enfants issus de PMA privés de recherche de paternité      

Dans ce même article 4, il est prévu que dans le cas d’une PMA avec tiers donneur, la filiation ne pourra être établie entre ce dernier et l’enfant. L’enfant n’aura pas accès à l’identité du parent qui lui donne pourtant une partie de son patrimoine génétique. Comme le rappelle Patrick Hetzel, cette disposition viole l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme garantissant à l’enfant le droit de connaitre ses origines. Emmanuelle Ménard (non inscrite) abonde en expliquant que « l’enfant issu de PMA pour toutes aura moins de droit qu’un enfant issu d’un adultère. Il ne pourra pas faire de recherche en paternité. C’est une inégalité discriminatoire ».

La digue contre la GPA supprimée  

C’est ensuite au tour de l’article 4bis, introduit par le sénat en 2ème lecture, qui insistait sur l’interdiction de la GPA. Les sénateurs avaient pris le soin d’expliciter que la mère d’intention ou deux pères ne pouvaient être inscrits comme parents à l’état-civil français. Cette digue contre la GPA n’a pas résisté à l’amendement de suppression de Jean-Louis Touraine suivi par les députés de la commission.

Parmi les autres dispositions adoptées par les députés, on retrouve les articles 6, 7, 7Bis, 7Ter : ils traitent du don de cellules souches hématopoïétiques pour un mineur dans le cadre intrafamilial, du don d’organes pour les majeurs protégés sous régime de représentation, du don du corps pour la recherche et l’enseignement médical, et du don de sang sans discrimination par rapport à l’orientation sexuelle.

L’embryon humain instrumentalisé

En fin de matinée, « la réelle question bioéthique du projet de loi » selon les termes d’Annie Genevard est abordée : le débat sur l’article 14, relatif à la recherche sur l’embryon humain et ses cellules souches embryonnaires humaines est lancé. Les députés Patrick Hetzel et Emmanuelle Ménard présentent courageusement et inlassablement les contradictions du texte et l’absence totale de protection de l’embryon humain. Le rapporteur, Philippe Berta, semble ne pas comprendre l’évidence :

  • pour obtenir les cellules souches embryonnaires humaines il faut détruire l’embryon humain, la recherche sur ces cellules souches pose donc un problème éthique ;
  • repousser la limite de la recherche sur l’embryon humain à 14 jours n’est assorti d’aucune dimension éthique, mais seulement scientiste ;
  • supprimer la vérification par l’ABM du consentement des parents qui donnent l’embryon humain à la recherche est une démission de l’Etat, sur le respect d’un des principes éthiques fondamentaux : le consentement éclairé ;
  • la suppression de la condition relative à l’absence d’alternative pour faire de la recherche sur les CSEh est un aveu qu’il en existe mais que les chercheurs veulent se spécialiser dans l’embryon et ne plus s’embarrasser de justification ;
  • la création de copies d’embryons humains sans passer par la fusion de gamètes est un contournement pur et simple de l’interdit absolu de créer des embryons pour la recherche ;
  • les embryons chimériques animal-homme portent atteinte au respect de l’homme, de l’embryon humain, lorsque ce sont des cellules souches embryonnaires humaines qui sont mélangées à l’embryon animal, et de l’animal lui-même. Où est l’écologie ? ;
  • Quant à l’embryon transgénique, que faisons-nous de notre humanité ? Accepter pour la recherche de modifier le génome humain, même en laboratoire, c’est accepter par principe de transformer notre humanité.

Rien n’y fait, malgré les amendements et sous amendements défendus avec force, le rapporteur s’arcboute dans un mutisme tentant d’asseoir son autorité scientifique, et encourageant ainsi les députés de la commission à voter un artefact d’encadrement de la recherche sur l’embryon humain et sur les cellules souches embryonnaires humaines. Les lignes rouges du mélange animal-homme et de la modification du génome humain sont franchies sans complexe.

L’IMG sans délai de réflexion confirmé – le motif relatif à « la détresse psycho-sociale » non réintégré

Enfin, la banalisation de l’IMG  reste entière : le délai de réflexion reste supprimé, et la réduction embryonnaire confirmée. Seul le motif de « détresse psycho-sociale » ne reviendra pas dans le texte, comme pour donner l’impression d’un semblant d’éthique. Malheureusement, les raisons invoquées à la non intégration de ce motif sont bien pauvres : cela se fait déjà, explique Jean-François Eliaou, rapporteur : 24,2 % des IMG sont réalisées pour « motifs maternels » c’est-à-dire pour fragilité psychologique ou psychiatrique et alors que l’enfant ne souffre d’aucune malformation. Il poursuit : « pourquoi inscrire ce motif dans la loi, et pas un autre ? Le mentionner alors que cela se fait déjà pourrait provoquer l’effet inverse ».

Les députés ont désormais 24h pour déposer des amendements pour la séance qui débutera lundi prochain à 16h et s’étalera jusqu’à la fin de la semaine. Le temps programmé sera de rigueur, laissant environ 11h de temps de parole, dont 3h pour les Républicains et 20 minutes pour les non-inscrits. Autant dire que cette 3ème lecture ne fera pas débat.

 

Texte nº 4222, adopté par la commission spéciale, en nouvelle lecture, sur le projet de loi, modifié par le Sénat, en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (n°3833) (assemblee-nationale.fr)

 

  

 

 

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